Interview Vrais Savent : aplusetdims

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Ce 22 janvier sortait Quartz, le second EP du groupe parisien aplusetdims. Après leur premier projet, Soif, et quasiment deux ans d'explorations musicales, ils ont trouvé leur style et monté leur propre label, Les Bains Soifs. Ils nous ont raconté leur parcours, leurs collaborations, leur rôle de producteurs, et leurs références dissimulées sur le disque.

aplusetdims Quartz
aplusetdimsQuartz @Thomas Haymann

Vous faites du son depuis plusieurs années, vous avez sorti votre premier EP en 2019, et le second vient de sortir, pourquoi vous avez pris 1 an et demi entre les deux ?

On n’est pas du tout en recherche de productivité. On a fait beaucoup plus de morceaux, mais on a mis du temps à en isoler six, à les retravailler, à les mixer. On est exigeants avec nous-même donc on veut pas sortir n’importe quel morceau, n’importe comment. En plus de ça, on a passé pas mal de temps à s’occuper de notre label et donc on n’était pas forcément en priorité sur notre propre musique. 

Globalement le deuxième EP va un peu plus loin, rien que dans les textes, et même dans les thèmes en fait qui sont un peu plus “sérieux”, vous l’avez travaillé ça ou c’est venu naturellement ?

C’est assez naturel, on s’est jamais dit qu’il fallait traiter tel ou tel thème, on était assez libre. Soif, on savait que c’était un projet qui allait être un plus juvénile, un peu adolescent. On voulait rester sur ce thème de “soif” qui correspondait assez à notre mode de vie de l’époque. Là, on s’est laissé apporter plus de thématiques différentes.

Votre style c’est du rap un peu chanté, parfois cloud, vaporeux, vous avez réussi à trouver votre style avec ce deuxième EP, surtout au niveau des prods et de la musicalité globale, comment vous avez fait pour réussir à trouver une formule qui s’inspire d’autres choses, mais qui vous est propre ?

Encore une fois, ça se fait assez naturellement. En fait, les morceaux passent un peu par la même moulinette, même si on reçoit des prods et qu’on pose dessus, une fois qu’on a commencé à écrire un refrain ou à avancer un peu sur le morceau, très rapidement, on se remet à refaire les prods et à réarranger. Et sinon au niveau de l’inspiration, je pense que c’est qu’on écoute énormément de musique, énormément de styles de rap différents, et même d’autres musiques, à la fin tout se réunit un peu et ça devient unique. Mais on peut être aussi bien inspiré par l’écriture de Benjamin Biolay, que par la musique des Strokes. Ça nous arrive d’avoir un morceau référence, l’objectif c’est d’aller par là sans faire la même chose.

Vous bossez toujours l’écriture, il y a un vocabulaire bien riche avec des rimes relativement techniques dans vos textes, c’est important pour vous de représenter cette école-là qui pousse un peu l’écriture ?

On a que 6 morceaux donc on essaye de bosser un maximum chaque phrase et on n’en laisse pas une au hasard.
A+ : Déjà quand on était plus jeune Med utilisait des mots que je comprenais pas.
Med : Ouais en fait dès qu’esthétiquement un mot va me plaire, je vais avoir envie de bosser autour et de le mettre dans un texte. Et A+ il va pas forcément utiliser de mots compliqués, mais ça va être sa manière de les agencer qui va être intéressante. 

Vous avez créé votre propre label il y a quelque temps, Les Bains Soif. Comment vous en êtes venu à créer ce label ?

Après avoir sorti notre premier EP Soif, assez rapidement, on a eu des sollicitations pour nous proposer des contrats d’artistes. Nous, on voulait vraiment se concentrer sur notre musique, en restant totalement maître de notre produit, sans avoir de contraintes au-dessus. On a la chance d’avoir un studio à proximité, un endroit juste pour faire de la musique et qui nous permet aussi de bosser sur la musique des autres. Comme on avait ce studio, on s’est dit que ça permettrait d’aider des artistes à avancer dans leur projet.

Quel est votre rôle dans le label ? Quels sont les artistes dessus et qu’est ce qu’on peut attendre d’eux ?

Cette année, notre EP est sorti chez Les Bains Soifs. Normalement, il y aura aussi un EP de Gen en ce qui concerne le rap, et il y a aussi une chanteuse qui s’appelle Loïse qui va probablement sortir quelque chose cette année.
Concernant notre rôle, on n’a pas le même sur tous les artistes. Gen on est là tout le temps, on travaille vraiment à trois, on l’accompagne sur tout, on a les mêmes influences donc nos trois têtes ensemble ça fonctionne bien. On s’occupe d’un maximum de choses pour qu’il puisse se développer le plus sereinement possible. On a vraiment un rôle de producteur. Et pour Loïse et un tas d’autres artistes, ils sont bien plus indépendants dans leur musique, on leur propose de distribuer avec Jeune à Jamais, et comme on est proches, on a aussi un rôle de DA (direction artistique) et on leur laisse le studio pour qu’ils puissent bosser.

Justement ça à quel intérêt pour vous d’être chez Jeune à jamais ?

Ils nous distribuent, et pourquoi eux en particulier, déjà parce qu’ils ont un roster de base qui nous parle. Ça nous plaisait de s’associer à eux alors qu’ils bossent avec Wit., Zuukou Mayzie ou Hyacinthe. On se voyait mieux avec des artistes comme ça qu’avec des maisons de disques plus importantes, mais qui ont un univers qui s’éloigne de nous.

Vous écoutez énormément de rap, les playlists Spotify des Bains Soif montrent que vous êtes au courant de ce qui fait dans la petite scène francophone, même dans des styles loin du votre. Vous pourriez à priori faire de nombreux featurings. Vous avez eu EDGE sur votre disque, qu’est ce qui vous a amené à cette collab et comment vous collaborez en général ?

EDGE on l’a rencontré au tout début quand on commençait à travailler sur le morceau Soif, en allant dans le studio Goldstein, qui appartient à GrandeVille. On a fini par enregistrer tout notre EP là-bas, et rapidement on y a rencontré EDGE. Il nous a donnés énormément de force, on s’est vu plusieurs fois, et ça a fini par se faire assez naturellement, mais le morceau (Quartz) on l’a enregistré à cette époque-là. Sinon pour les collaborations de manière générale, comme on a le studio, c’est plus facile pour nous d’inviter des artistes et de pouvoir travailler avec eux directement.

Et est ce que vous vous voyez collaborer avec d’autres artistes ? Et si oui lesquels ?

Là, on se voit bien collaborer avec Urde *présent dans leur studio au moment de l’interview*, avec Gen aussi évidemment, et sinon on n’a pas d’objectifs de feat. On aimerait bien collaborer avec Isha, mais c’est pas pour tout de suite. Mais par contre il y a pleins d’artistes vers qui on pourrait aller, comme Nessir, DMS, EDGE… Et le jour où on découvrira un artiste sur Internet on n’hésitera pas à lui demander, mais on fait surtout ça avec des beatmakers, comme on est déjà deux on a tendance à moins chercher de featurings.

Là, on a attendu 2 ans pour avoir un nouvel EP, est ce que vous pensez rester sur une cadence pareille ou est ce qu’on peut s’attendre à avoir de la nouveauté plus rapidement à l’avenir?

En fait, on pourrait sortir plus de morceaux si on n’était pas très regardant et qu’on voulait juste lâcher des titres. Dans l’idée, on préfère sortir des projets bien structurés quitte à ce que ça prenne du temps. On pourrait très bien sortir un projet l’année prochaine si on le sent, mais il faut aussi qu’on s’occupe des artistes de notre label. Pour nous ce qui compte, c’est qu’à la fin Les Bains Soif aient sorti une quinzaine-vingtaine de morceaux, peu importe quel artiste les sort, on pense vraiment général et label.

Vrais Savent, c’est un site qui s’intéresse aux références culturelles qu’on peut trouver dans le rap français, il y en a quelques-unes dans vos textes. Déjà, il y a quelques références musicales. La première question, sur Obsédés, vous entendez quoi par “comploter” sur du Ab-soul ?

Alors là, c’est le moment où on doit expliquer des phrases ! En fait, dans ses textes c’est souvent spirituel voir proche du complotisme général. On se voyait bien être au studio en écoutant sa musique et parler de sujets politiques, de l’effondrement, de crise écologique, ou de collapsologie.

Sur le même titre il y a un passage où Med dit “ J’aime la ride sur matelas pneumatique, sur du Aelpeacha sur du Lunatic”, première question, autant Aelpeacha je vois totalement, autant coucher sur du Lunatic, vraiment ?

Bah écoute, ma copine est fan de rap français donc de temps en temps sur HLM 3… Non sérieusement j’ai mis ça un peu comme ça, mais pourquoi pas.

Mais sinon, en plus de ces deux-là vous aviez déjà fait une ref à Dany Dan dans votre ancien EP, c’est important pour vous de parler de ces anciens ? Est ce que c’est pour faire une sorte de transmission ?

C’est pas tellement que c’est important, mais ces artistes on les aime bien donc c’est naturel d’en parler. Après, c’est pas forcément des anciens, sur des morceaux qui sont pas forcément sortis ça nous est arrivé de citer d’autres artistes moins connus, et là, il se trouve que sur les artistes que t’as cité, c’est une esthétique générale qui nous plaît et des artistes qui ont eu une influence sur notre musique.

Et toujours pour la musique, dans La der on peut entendre “Moi le jour j’écouterai Babx”, un titre en particulier ?

J’suis vraiment fan de ce gars-là. Drones personnels et Cristal Ballroom, c’est deux albums que j’ai énormément écouté. Et pareil, je trouve ça cool d’en parler, d’autant que c’est un artiste pas assez reconnu par rapport à son talent et si c’était la fin du monde c’est sûrement ce que j’écouterais.

Et est ce que c’est important de faire des références même à des chanteurs de variété dans vos sons, est ce que ça vous permet de rappeler qu’il y a pas que le rap qui vous inspire?

Encore une fois, c’est naturel, quand j’écris j’me dis pas “là il faudrait que je fasse référence à tel ou tel artiste” mais comme on est vachement influencés par pleins d’artistes, et notamment des rappeurs qui eux même font des citations, ça finit par se ressentir dans nos textes.

Ensuite, il y a plusieurs références au cinéma dans l’EP. Le titre Easy Rider, en référence au film, il représente quoi pour vous ? Et pourquoi avoir choisi ce titre-là plutôt que d’autres ?

C’est vraiment une association d’idées. À ce moment-là, on partait en vacances avec d’autres gens des Bains Soifs. L’objectif, c’était de faire du son et justement, là, on voulait parler de la ride. Du coup avec le passage « On fait ça easy » qu’on avait trouvé, la référence semblait évidente. Et puis on aime bien ce que le film représente, la libération sexuelle, les années 70, et même l’esthétique générale.

Sur Obsédés, on peut entendre « Enchaîner les tequillas en regardant des Coppola« …

Je parle de Sofia ! Je venais de voir Lost in Translation à ce moment-là en fait. Mais je suis en licence de cinéma donc les refs au cinéma ça me vient assez facilement.

Dernière question au niveau du ciné même si ça vient d’une BD. Ça va rejoindre un peu ce qu’on disait quand on parlait du côté sérieux du nouvel EP, toujours dans Obsédés, il y a « Le V pour Vendetta, le poing c’est pour l’état« . Le nom a pas dû être pris au hasard, et sinon il y aussi une référence à Vincent Craze, est ce que c’est c’est aussi un moyen de rendre vos propos un peu plus sérieux ?

Franchement le Vincent Craze, c’est qu’à l’époque de Quartz, on était en plein dans l’affaire Benalla, et je suis un peu la politique. J’avais entendu l’histoire et je voulais en parler, mais pas en mettant les deux pieds dans le plat en parlant de Benalla, et comme son associé c’était Vincent Craze, ça marchait bien pour la rime et pour le sens.
Et pour V pour Vendetta, c’est plus un truc de culture populaire, et pour illustrer le fait de… voilà quoi, et avec « le poing c’est pour l’état » y avait un parallèle entre l’acte sexuel et la politique.

Toute dernière question le site s’appelle Vrais Savent en hommage au titre de Lunatic. D’après vous c’est quoi LA chose essentielle que les vrais devraient savoir ?

*longue réfléxion*
Que Zekwé Ramos a déjà featé avec Kekra ça c’est un truc que seuls les vrais savent.

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