Interview Vrais Savent : Coelho
InterviewsIl y a un mois, Coelho sortait son dernier projet, Un jour de moins, suite de l'EP Un jour de plus publié en novembre 2021. Après plusieurs années à parfaire son style, ce dernier album apparaît comme l'aboutissement de ce qu'il peut proposer. À l'occasion de cette sortie, Coelho est revenu avec nous sur les références qu'il fait dans son disque et dans sa discographie. Au programme, retour en enfance avec des films (Un jour sans fin, Forrest Gump, Harry Potter, Fast & Furious), des séries (Prison Break, Charmed), des animés (Les Mystérieuses Cités d'or, Naruto, One Piece) et du rap (Booba, Rohff, Sexion D'assaut, 50 Cent...).

Pour commencer, je me posais une question. L’année dernière, t’as sorti Un jour de plus qui faisait 5 titres, là c’est en quelque sorte la suite, Un jour de moins qui en fait 12. Et globalement, j’ai l’impression que t’es assez libre sur le fait de sortir des EPs ou des projets longs. Comment tu choisis le nombre de morceaux qui vont se retrouver sur un projet ? Notamment là sur une suite où finalement les longueurs sont bien différentes.
Je pense que ça va se jouer surtout au feeling. Moi globalement, le cinq titres, c’est un peu rare dans ma discographie pour l’instant. Je suis plus vers une dizaine de titres d’habitude. Vanité, il en faisait 14 avec quelques interludes. Après Odyssée c’était 10 titres, S7VEN c’est 7 titres, donc on est plus dans ces eaux-là. Et moi je pense que je fais à peu près ce genre de longueur parce que c’est la longueur qui me paraît être la plus digeste. Surtout qu’on essaye de conquérir les oreilles des gens et du coup j’ai pas envie d’être un trop gros livre à leurs yeux. J’ai pas envie qu’ils voient 20 morceaux et qu’ils se disent, “c’est qui celui-là, j’ai pas envie de me jeter dedans”.
Mais donc, comment ça se fait que là, tu sois passé de 5 à 12 sur une suite de projets comme ça ?
En fait, j’ai toujours un plan de base, et il finit toujours par changer en cours de route. À la base je voulais faire 3 EPs de 5 titres et qu’à la fin ça fasse 15 titres. Et je voulais sortir ça dans un temps réduit. Genre premier en novembre, l’autre en janvier et l’autre en mars. Sauf que je crois qu’au final, ça va pas avec ma façon de travailler. Je crois que j’arrive pas à être dans un rush. Même si on travaille assez rapidement en soit, on met pas 4 ans à sortir un truc. Mais au final, même le fait d’avoir sorti juste 5 titres j’ai même pas eu l’impression d’avoir réussi à construire un projet comme je voulais. À avoir fait une vraie sortie. Limite j’ai l’impression que c’était un truc en attendant de sortir un vrai projet comme Un jour de moins. Parce que, comme j’aime construire un projet, j’ai pas l’impression de pouvoir le faire en 5 titres. Et donc pour Un jour de plus, j’étais frustré de la sortie courte que j’ai eu, donc j’ai voulu adapter, faire ce que j’avais envie de faire, d’avoir un projet qui était plus construit, comme un album, avec un début un milieu une fin, petite interlude par-ci par-là, des transitions travaillées entre les morceaux. Et au moins y a un fil rouge un peu dans le truc, c’est plus consistant, et c’est comme ça que j’aime sortir un projet. Quand y a une construction, une proposition.
Donc ça veut dire qu’à priori il y a très peu de chances de retrouver des projets de 5-6 titres dans le futur ?
Si, c’est possible, même des 3 titres. Mais ça pour moi c’est des trucs d’attente. Si je veux mettre une vraie intention, il faut qu’il y ait une durée minimum. Je peux pas prétendre vouloir raconter ce que je veux raconter avec un court-métrage. C’est plus ça. On peut pas aller au bout du sujet. Je dis ça comme si je parlais de trucs hyper précis dans mes projets. En vrai ça parle un peu de tout et rien, mais je veux dire, dans la construction, le cheminement du projet, il me faut un certain nombre de titres pour réussir à construire quelque chose. Et c’est sûr que c’est un exercice qui me plaît plus. Après, on n’est pas à l’abri, qu’entre deux projets de cette longueur-là, je sorte un petit 3 titres, ou même un petit single. C’est juste que pour moi c’est pas la même sortie, t’aborde pas ça de la même manière.
Pour aller vers les questions références, les deux derniers projets, et peut-être le prochain, ils font tous référence plus ou moins à Un jour sans fin. Comment il t’a marqué ce film pour que tu en fasses une trilogie de projets ?
En fait, je pense que le film m’a marqué, et au final je m’en suis inspiré pour faire un titre. C’est un film qui peut paraître simple, dans un truc juste comédie romantique. Mais en fait c’est un film qui est intéressant parce que tu comprends que le gars il est passé par plusieurs stades. Et on sait même pas combien de temps il est resté dans cette boucle-là. Le gars il a eu le temps d’apprendre le piano, d’être tailleur de pierre, de glace. Il connaît toutes les routines de sa ville, de tout le monde, donc s’il faut ça fait des années. Et ça, c’est pas dit dans le film, mais je trouve que c’est intrigant. Et pour moi c’est plus qu’une comédie romantique. Ça raconte la vie d’un gars qu’est aigri dans la vie de tous les jours. Et du coup la vie le lui rend en étant nul pour lui. Il est seul, il est triste, il aime pas les gens, les gens l’aiment pas. Il aime rien. Et pour sortir de cette boucle-là, il va falloir qu’il se remette en question. Qu’il apprenne de ses erreurs, et comprendre pourquoi sa vie est comme elle est actuellement. Et je trouve que c’est un propos que je peux m’accaparer, pour raconter un peu la vie que je suis en train de mener en ce moment. Pas forcément sur tous les mêmes points, mais en tout cas le truc de, y a certains points sur lesquels je suis pas heureux, comme plein de gens. Et il faut savoir se remettre en question, pour quitter une routine que j’aimerais quitter. Des fois la routine devient tellement la même que même faire de la musique c’est chiant. Et j’ai pas envie que ce soit ça. Je fais pas ça pour ça. Donc le film j’essaie de me l’accaparer pour raconter ma vie en musique. Je trouve que c’est un film qui s’y prête en tout cas.
En fait la boucle temporelle, elle est juste là pour symboliser le train-train en soit.
Oui parce que là c’est évident qu’il revit la même journée. Mais en fait ce jour sans fin on peut le vivre sans que ce soit une boucle temporelle. Quand tous les jours tu te réveilles pour aller au même endroit, tu manges au même endroit, tu vois les mêmes personnes. Même si c’est pas la même journée, à quelques points près, c’est la même en fait. Donc ce jour sans fin on peut le connaître même sans le truc un peu mystérieux qu’il y a dans le film. Je pense que c’est pour ça que ça s’y prête, à raconter un quotidien banal. C’est ça que je raconte. L’ennui d’une vie où il se passe pas grand-chose. Moi je pense pas avoir une vie mouvementée. Des fois y a des gens qui me demandent, et je comprends pas trop la demande d’ailleurs. Des gens qui cherchent un stage, et ils viennent me voir pour le faire avec oim. “Ouais je veux voir le quotidien d’un artiste, ce qu’il se passe et tout”. Peut-être que quand t’es connu, t’as des concerts il se passe plein de choses. Mais en fait sinon, t’es beaucoup en studio, chez toi, t’es coupé du monde, tu vois pas grand monde parce qu’il faut que t’ai du temps seul pour faire ta musique. Et c’est quand un projet sort que tu peux retrouver la sociabilité. Je dis pas que t’es complètement coupé du monde, mais globalement t’es pas hyper intéressant je pense quand t’es un artiste en production. Donc c’est ça qui m’a inspiré, la routine extrême, les journées interminables parce que t’as l’impression de les avoir vécues tous les jours qui précédaient ce jour-là.
C’est peut-être qu’une impression, mais je trouve que souvent tes références cinématographiques sont issues de cette époque, les films des années 90. Genre Seven ou Forrest Gump. Comment t’expliques que ces films-là soient importants dans ta discographie ? Vu que S7VEN c’était le nom d’un projet, Forrest Gump un clip.
Je sais pas, je pense que c’était des années où y a eu des films classiques. Pourtant moi je suis né en 95, donc ces films-là, je les ai vu 15 ans plus tard après leurs sorties s’il faut. Je sais que Forrest Gump je l’ai vu hyper tard au final, limite y a 4 ans. Donc je me les suis pas pris en direct. Mais ces films-là, surtout que je les vois tard, tu sais que tu vas voir un grand film. Et effectivement c’est des grands films. Je pense pas que Un jour sans fin soit à la même hauteur que Forrest Gump ou Seven, parce que je pense pas qu’autant de gens l’ai vu, c’est surtout ça. Mais en tout cas moi de mon point de vue c’est des films qui ont marqué autant l’un que l’autre. Dans leur style, dans ce qu’ils racontent, dans le message que tu peux en tirer. Bon Seven j’arrive pas forcément à me projeter dans ce film-là. C’est juste que c’est un film de ouf, l’enquête est incroyable. Mais tu sais Forrest Gump et Un jour sans fin, tu peux te projeter dedans et faire des parallèles avec ta propre vie. Et moi je sais que j’aime bien les films comme ça. Les films de vie. J’adore les gros films d’action évidemment, où je suis en full divertissement. Mais c’est vrai que les films de vie où t’arrive à faire un parallèle avec toi ton expérience, les comédies romantiques les trucs comme ça. Où c’est faussement léger en fait. Des fois il peut y avoir un message derrière et un truc un peu plus profond. Ça c’est vrai que c’est le cinéma que j’arrive le plus à regarder, parce que tu te sens à l’aise, t’arrive à te projeter, y a des émotions. C’est des films que je kiff et je retiens parce que c’est ce que j’aime tout simplement.
J’ai un peu ma théorie sur le fait que tu cites ces films-là, et d’autres références, même si ça marchera pas pour Forrest Gump si tu l’as vu y a 4 ans. J’me demande si ces films-là sont pas liés aussi à la télé, parce que pas mal de tes références ont l’air de dater de ton enfance. À un moment par exemple tu parles des pubs pour M6 Mobile. Et j’imagine que ces films-là passaient à la télé.
Nan moi Un jour sans fin j’ai le DVD. C’est comme ça que je l’ai vu. Ma mère avait acheté le DVD, sûrement parce qu’elle l’avait vu avant. Après Forest Gump je l’ai vu plus tard en streaming. Mais après les pubs M6 Mobile, ça rappelle une époque. C’était une époque où je regardais la télé. Je regardais les Simpson sur W9. J’en parle ça je crois dans un son. Parce que tu rentres du collège, du lycée, t’allumes ça. Maintenant on peut allumer Netflix machin, mais avant c’était des trucs comme ça.
Toujours ce rapport à la télé et à l’enfance, tu cites plusieurs fois des séries de cette époque comme Charmed ou Prison Break. Je trouve que c’est pareil, ça incarne tout ce truc des séries qui passaient à la télé dans les années 2000.
Je pense que c’est des références que j’ai envie de placer dans mes sons parce que ça fait partie de moi. J’ai pas envie de citer La Casa De Papel. Parce que ça me parle pas. J’ai pas regardé tu me diras. Mais j’ai pas envie de citer des trucs récents que tout le monde a en tête actuellement. Ça me fait kiffer moi de citer des trucs à l’ancienne, parce que je trouve que c’est des clins d’œil qui font plaisir. Et je sais que ceux qui ont la ref ça leur fera plaisir ou golri au moins. Je pense que c’est plus une question de trouver ça marrant de le dire.
Mais comme ces trucs reviennent souvent. Est-ce que la télé c’était important pour toi quand t’étais plus jeune ? C’était quoi ton rapport à la télé ?
C’était le Grand journal sur Canal. Avec mes darons y avait toujours ça d’allumé, tous les soirs. Avec Thomas Ngijol, avec Mouloud Achour. C’était frais. Y avait même des musiciens je crois, je sais plus comment c’était exactement. Après y a eu la Star Ac’, la Nouvelle Star. Y a eu Les Simpson comme je t’ai dit, ça j’ai saigné forcément. Y avait des films c’est sûr, mais moi y a Internet qu’est arrivé assez rapidement. J’ai piraté à mort aussi. Y avait les clips aussi sur Virgin 17. Mais ouais je sais pas, la télé c’est important en vrai. L’ordinateur c’est venu assez tôt dans nos vies. Je sais qu’à partir du collège, l’ordi ça a pris le pas sur la télé. Vers 2008, je sais que j’ai eu mon premier compte Facebook. Donc au final j’avais 13-14 ans. Donc du coup à partir de ce moment-là on était plus sur l’ordi, mais la télé a continué encore après. C’était aussi les cassettes, les DVD, beaucoup de films, les émissions de télés qu’étaient encore cool à l’époque. Même avec Arthur, son émission avec les boites. Y avait Qui veut gagner des millions. Je trouve qu’y avait encore des émissions classiques. Ça faisait partie de la culture. Maintenant on n’est que sur Twitch, Youtube ou les réseaux. Mais avant tous les jours je la regardais.
Je pense qu’on est la génération qui fait la passerelle entre les deux.
Ouais, la télé est pas étrangère à notre culture, mais on connait bien internet aussi.
Tu cites pas mal d’autres œuvres qui sont sorties durant ton enfance. Particulièrement toute la série Harry Potter dont tu fais quelques clins d’œil. Après je pense que ça a marqué absolument tout le monde, mais comment t’expliques que ça revienne comme ça dans ta musique ?
Ça a trop marqué notre génération. Pour moi y a eu Star Wars, Seigneur des Anneaux et Harry Potter. En fantastique, c’était ça les grosses marques. C’est à ça qu’on avait envie de jouer dans les cours de récré. C’est avec ça qu’on avait envie de se déguiser quand on était petit. Surtout Harry Potter, où pour moi j’ai pu plus m’identifier. Déjà je m’appelle Hugo Papin, du coup on a les mêmes initiales, donc quand j’étais tipeu j’étais un peu matrixé. Et puis, il avait notre âge. Quand lui il avait 10-12 ans, on avait 10-12 ans. C’est ça aussi qu’était cool. On a grandi avec le personnage. Quand Harry Potter devenait plus sérieux, on commençait à être plus grand aussi. Je sais plus quand ça s’est terminé, mais en tout cas, quand c’était enfantin on était des enfants. Donc c’était parfait, on était complètement la cible. C’était fait pour notre tranche d’âge. Je sais que moi ma mère elle kiffait aussi, parce qu’elle lisait les livres et tout. C’est là aussi que ça a atteint plus que les enfants. Mais notre génération on était en symbiose avec le truc parce qu’on grandissait en même temps que le personnage. Et je pense que ça nous a marqué. Y a tellement de gens qui font références à ça. Même je pense à Neefa qui parlent tout le temps des moldus, qui dit que c’est une Serpentard. Alors qu’elle est pas tout à fait de la même génération. C’est pas rien en soit. Y a des rappeurs qu’elle a écouté qui m’ont pas marqué. Mais ça je pense que ça a marqué peut-être des gens qui ont 10 ans de différence. Donc je pense que ça vient plusieurs fois parce que l’univers est trop riche, y a trop de trucs qu’on peut citer. Et ça marche toujours. Les gens globalement comprennent les refs.
Autrement, à la même période, il y a une autre grosse série de film dont tu parles à un moment. Tu cites Fast & Furious 2 et j’ai remarqué aussi que tu fais régulièrement référence à des voitures dans tes textes, comme bon nombre d’autres rappeurs ceci dit. Est-ce que ton amour des voitures part de ce film ? Ou est-ce que ça vient d’ailleurs ?
Tu sais que j’ai même pas un amour de la voiture ? J’ai pas une grande culture des voitures. Je vois ce que tu veux dire, mais je connais pas forcément les modèles ou quoi que ce soit. Peut-être que ça fait partie de la culture aussi, dans les clips… J’aime quand y a une belle gov, je trouve ça frais, mais j’ai pas de voiture moi personnellement, parce que j’ai pas forcément les lovs, et j’habite en centre-ville à Nantes, ça m’embêterait plus qu’autre chose. Mais je pense que, je kiff ça, mais je suis pas un passionné de gova. Je pense que j’en parle parce que, voilà, dans le peura, j’imagine que c’est plus dans les egotrips que je fais ça. C’est pour imager des trucs très bruts, très simples.
C’est plus des symboles au final.
Ouais c’est plus ça. Mais Fast & Furious ça nous a marqué. Le 2 et Tokyo drift, il y avait Lil Bow Wow dedans. Ce film-là, je l’ai vu plusieurs fois, et c’est limite celui que j’ai le plus vu. C’était au Japon, y avait du drift en plus, c’était pas comme d’hab. C’était vraiment autour de la voiture. J’aimais bien. C’était frais et c’était hip-hop à mort. Y avait des grosses marques de fringues streetwear et tout. Je trouvais ça frais. C’était une extension de l’univers rap de l’époque. En fait c’est des codes, des trucs de génération qui nous ont marqués. Et je pense que si j’avais vu le film plus vieux, j’aurais pas pris ça de la même manière. Mais là j’étais adolescent, y a des grosses voitures, y a des meufs qui sont fraiches, y a du son, y a un rappeur que t’aimes bien dedans, y a Vin Diesel qui vient à la fin dans l’after credits. T’es adolescent tu te prends le truc.
Et puis pareil, c’est cohérent avec l’époque.
C’est ça. Tu te poses pas de question. Des fois faut se prendre le spectacle comme on te le vend.
Pour rester sur des références audiovisuelles, et notamment de l’enfance encore, t’as quelques refs à des mangas et animés. Déjà il y a Les cités d’or, Dragon Ball Z. Et puis aussi et surtout Naruto. Par quoi t’es entré dans cette culture-là ?
Je suis rentré hyper tard dedans. Déjà Dragon Ball j’ai jamais lu, mais Babidi je connais son blaze, parce que je crois que je l’avais déjà vu, j’avais vu sa tetê, et j’ai juste trouvé une phrase avec. Mais je suis pas un aficionados de DBZ, j’ai pas checké. Je suis arrivé super tard dans les mangas. Parce que j’ai été éduqué à Disney ou Pixar, donc plutôt animation américaine. Après, Les Mystérieuses Cités d’or, c’était pas le même type de mangas. C’était japonais je pense, mais c’est plus dans le délire du studio Ghibli qu’autre chose. C’est du dessin, mais y a pas les codes des shonens. C’est juste que c’est animé et raconté d’une autre manière, c’est une autre sorte d’animé, pas américain. Mais ça par contre ça m’avait marqué parce que ça passait grave à la télé quand on était petit. Mes grands parents, ils avaient le câble, je sais plus comment ça s’appelait, TPS je crois. C’était un abonnement que t’avais avec une parabole sur le toit, et t’avais plein de chaînes. Et du coup quand on allait là-bas, ils passaient des dessins animés à mort, c’était frais. Mais après les mangas je suis rentré dedans par One Piece. Quand j’ai commencé y avait 800-900 épisodes. J’ai commencé en 2018-19 je crois. Donc hyper tard. Mais c’est parce que mon reuf était dedans, il m’a saucé, et du coup je m’y suis mis. Et j’ai tout niqué, j’ai tout téma. Ça m’a pris un peu moins d’un an. Mais j’ai aucun regret ! Et à partir de ça, j’ai téma Death Note, Naruto, Shippuden aussi. Là je suis à jour sur Demon Slayer, je me mets à jour sur My Hero Academia. J’ai téma Hunter x Hunter. Et là je suis en train de lire Berserk. Même si ça se termine pas, nique sa mère, je veux quand même le lire parce que c’est trop lourd. Mais ouais là maintenant je commence à avoir une petite base solide. Déjà j’ai fait One Piece et Naruto donc ça c’est cool, j’ai passé un gros step. Et maintenant One Piece je lis les scans comme tout le monde pour être à jour. Franchement maintenant j’ai les codes, je prends le truc, je comprends. Ça m’est plus étranger comme culture, donc c’est cool. Mais je suis content d’être à jour avec ça.
C’est intéressant parce que j’ai l’impression qu’à la base pour être piqué par ça, il faut les avoir regardés étant enfant. Et toi t’as commencé y a 4 ans et ça te parle quand même. C’est rare qu’on entre dans cet univers-là si tard.
Ouais mais au final tu te dis, tout le monde est à moitié dedans. Avant les mangas c’était vraiment un truc en scred, pas vraiment facile à trouver, y avait que des épisodes à la télé qui passaient dans le désordre. C’était un peu underground. Maintenant j’ai l’impression que sur Twitter ça parle que de ça. Il faut téma limite maintenant. Y a plein de choses qui sont sur Netflix, donc les plus jeunes ils ont accès facilement. Après y a Crunchyroll, ADN, tu peux te régaler. Donc je pense aussi qu’y a une facilité d’accès maintenant qui donne envie aux gens. Mais y a pas mal de monde qui commencent assez tard. Je pense qu’y a plein de gens qu’ont commencé à 15 ans aujourd’hui. Les plus jeunes, c’est sûr qu’ils s’y sont mis parce que tout le monde en parle sur Twitter, et qu’ils veulent rester dans le mouvement. Mais je sais pas, je pense que par exemple, DBZ, si tu l’as pas téma petit ça doit être plus dur à regarder. Parce que c’est assez vieux. C’est un peu comme les premiers épisodes de One Piece, je peux comprendre que ce soit un peu dur à regarder. Moi j’avoue que comme j’était hyper chaud de téma, je me suis pris le truc, j’étais à fond direct. Mais j’étais prêt à ça. Mais je peux comprendre que quelqu’un qu’est pas forcément motivé, regarder des épisodes qui datent de 98 ou 2000-2002, j’avoue que ça fait un peu vieux les animations, l’ambiance. Ça peut être un peu compliqué, mais après c’est le jeu. Et puis maintenant c’est peut-être plus simple, quand tu commences genre My Hero Academia, qui a débuté en 2016. C’est tout de suite fluide, les dessins ils sont beaux. Je pense que c’est juste les vieux trucs genre Cowboy Bebop, c’est un peu dur à téma même si tu sais que c’est bien. Les vieux trucs comme ça je peux comprendre.
Mais, il t’arrive de parler de One Piece dans tes tweets, par contre j’ai jamais capté de références dans tes textes.
Non je crois pas. Mais après c’est tellement obvious ce genre de trucs. Pour moi y a que Alpha limite, qui avait dit fourrure à la Doflamingo, un truc comme ça. Et ça je trouve ça cool parce que c’est pas genre un truc hyper nul sur un truc d’ambition. Dire “je suis ambitieux comme Luffy”, flemme de ouf. Ce genre de phases-là ça peut être très très vite chiant. C’est des refs tellement grosses que j’évite de faire ce genre de trucs. Les trucs du moment, ça peut mal vieillir.
Déjà quand tu fais une ref trop évidente, la plupart du temps elle…
Ouais les références que je fais au final, c’est vieux ou semi-vieux, et du coup plus personne en parle, et c’est toujours bienvenu parce que c’est dans le cœur des gens maintenant. C’est pas dans la hype, c’est des trucs qui font plaisir. C’est comme si on te rappelait un souvenir. Donc je trouve ça plus cool à ramener sur le terrain.
On en revient donc encore aux souvenirs et à l’enfance. À croire que c’est le fil rouge de l’interview. Sinon, en plus des mangas, y a pas mal de mots japonais, qui sont juste des références à la culture japonaise. Dans le morceau sur ton frère tu dis Aniki, à un moment tu parles de Chirashi. Est-ce que tout ça, ça vient du fait que tu regardes des mangas, ou c’est que tu t’es intéressé à la culture japonaise de manière générale ?
J’étais grave dans la culture cainri, via le rap, les sapes, et même tout ce qu’on nous vendait à la télé. La propagande américaine qui nous a eu. Et au final le Japon, vu que c’était à l’opposé, sur plein de choses, j’étais hyper réticent. Et c’est venu un peu tard l’attrait pour le japon. La bouffe japonaise, je pense que c’est arrivé en France plus tard aussi. Et peut-être que maintenant c’est plus ancré, et je suis peut-être plus apte à en parler. Après si je dis Aniki, ça, ça va être dans One Piece justement. Et Chirashi c’est juste que je trouve ça trop bon, donc forcément que je peux en citer une partie dans un morceau. Mais même, le Japon, la culture japonaise, elle est beaucoup plus accessible, et elle touche plus de gens qu’avant. Moi je sais que je suis arrivé tard dans la culture japonaise par rapport à plein d’autres gens. Mais maintenant ça fait partie du paysage, ça fait partie de ce qui tourne autour de nous.
Tu viens de parler de culture américaine, et ça fait une super transition vers la suite. J’aimerais bien qu’on parle de rap, parce que, comme beaucoup d’autres, tu fais référence à des rappeurs. Y a aussi bien de l’US que du français, mais ce qui m’a marqué c’est qu’il y a pas mal de références, encore une fois à des artistes qui commencent à dater un peu comme Rohff ou Booba. Et surtout à un moment tu dis “Petit j’rappais les refrains d’Many Men”. Du coup je me demandais, quand est-ce que t’es rentré dans cette culture du rap ? Et comment ?
Bah le rap c’est venu hyper tôt dans mes oreilles. Parce qu’en fait j’ai un grand frère, celui qui fait toutes mes prods, qui écoutait du rap déjà. Donc dès la primaire j’ai écouté du rap. Dès que j’ai eu l’âge d’écouter la musique que je voulais écouter, j’ai écouté la musique que mon reuf écoutait. Et en plus 50 Cent est arrivé quand j’étais encore en primaire. Et on comprenait rien. On voyait juste l’image du gangster tout ça. Et nous ça nous vendait un film d’action. On se prenait tout ce qu’il nous envoyait. Et lui, c’est le premier artiste qui m’a choqué, marqué. À tout jamais ça restera mon plus grand souvenir rap. Après dans le rap français, y avait Skyrock qui tournait beaucoup à l’époque, c’était un truc qu’on écoutait beaucoup plus que maintenant je crois. J’ai un souvenir à l’époque de Busta Flex, Factor X, quand j’étais vraiment jeune. Après mon reuf il aimait bien la Fonky Family, moi j’étais moins dedans. Plus tard y a eu Sniper. Booba, Rohff, La Fouine, le trio de tête. Après je sais pas, j’ai toujours écouté ça. Quand y avait des gens connus j’écoutais quoi. Y a eu Salif, Nessbeal. Y a eu trop de gens. La Sexion au collège. Je crois qu’au collège j’ai plus écouté Rohff que Booba, et Booba je l’écoutais plus au lycée. Beaucoup La Fouine aussi au lycée je crois. Et après y a eu toute la vague Nekfeu, tout ça. J’écoute du rap depuis tellement longtemps, je pourrais même pas te dire.
Donc au final ça t’a suivi tout le long de ta vie.
Ouais, c’est la musique que j’écoute depuis tout petit. Depuis le CM1-CM2.
Et du coup tu disais que, c’est ton frère qui t’a fait découvrir ça. Est-ce qu’à un moment tu t’es détaché de ce que lui il écoutait ?
En fait, c’est lui qui m’a mis dedans. Et y a des trucs qu’il écoutait que j’aimais pas, et inversement. Je sais que j’écoutais Kennedy par exemple, lui il aimait pas. J’aimais plus le rap quartier que lui je crois. On se rejoignait sur des rappeurs, mais je pense que j’ai plus écouté Rohff ou Booba que lui. Peut-être qu’il écoutait du rap cainri quand j’écoutais du français, je sais plus vraiment. Je sais qu’à un moment il a plus écouté de rock que moi. Et moi j’en écoutais aussi mais moins que lui. Mais parce qu’il a fait de la batterie, il avait un groupe et tout, peut-être que ça le poussait à écouter autre chose. Alors que moi au final, j’écoutais du rap, un peu de rock aussi, mais j’ai vraiment été rap rap rap pendant des années. C’est plus tard que j’ai écouté autre chose.
Mais j’imagine que c’est encore lié à la génération, je sais pas quel âge a ton frère…
Lui c’est un 92, donc on était globalement dans la même génération. Mais c’est sûr que nous ça nous a marqué plus petit. Quand lui il avait mon âge, le rap c’était déjà-là, mais forcément on n’a pas vécu les mêmes années.
Lui typiquement à 6-8 ans, y avait pas 50 Cent.
C’est certain, ça se joue à peu d’années, mais les courants sont pas les mêmes.
Oui je pense que c’est vraiment à partir des années 2000 que la bascule est énorme, avec Eminem/50 Cent, et notre génération a grandi au moment où le rap était mainstream. Et le rock commençait à mourir petit à petit, à part quelques exceptions.
Ouais y avait encore des metalleux dans la cour de récré qui disaient que le rap ça allait pas durer. Mais je pense qu’ils ont trouvé des rappeurs qu’ils aiment aujourd’hui. Nous, y avait encore les Red Hot, Linkin Park, Green Day. Des gros groupes. Mais c’est sûr qu’on arrivait à la fin de l’apogée du rock. C’était déjà le début de l’air du rap. À partir de la Sexion, pour moi, ça a tout dépassé, c’était partout. En France en tout cas.
Ça se ressent beaucoup dans les programmations de festivals aussi. Les têtes d’affiche, si c’est du rock, c’est jamais ou presque des groupes qui ont commencé dans les années 2010. Je pense que la bascule totale elle a été là.
C’est sûr. Y a plus de grands groupes ou de grosses stars j’ai l’impression. Tout le monde fait du rap, ou ils s’en servent pour faire autre chose. Pour moi des gars comme Tsew the Kid ou Georgio, c’est à moitié du pop rock. Ils vont être considérés rappeurs parce que les codes de leurs instrus sont plus trap que rock par exemple. Mais y a ça aussi qui a changé je pense.
Oui, maintenant y a plein de types de rap, et c’est juste qu’on a décidé de ne pas créer de courant plus que ça, alors que dans le rock y a des tas de courants différents qui sont identifiés.
Je pense que notre génération actuelle, qui fait la musique, est issue de la culture rap, ou a écouté du rap. Et maintenant quand ils abordent un morceau, y a forcément des codes du rap dedans. Même si c’est pas un morceau de rap pur où ils kickent. Même s’ils font une chanson, dans les sonorités, dans la structure, dans la manière de l’aborder, ça se verra qu’ils ont écouté du rap. C’est juste que maintenant, quand on aborde une chanson, on pense pas à des références rock, même s’il peut y en avoir dedans. C’est pour ça qu’aujourd’hui même des chanteurs peuvent chanter sur des instrus un peu trap.
Et on parlait de rap US, pour moi t’as une phrase qui résume tout je trouve, c’est : “J’écoute G-Unit, A$AP et la Three Six”. Ça englobe plein de générations différentes. Est-ce que tu te retrouves plus dans une période en particulier, ou est-ce qu’au contraire tu prends tout ce qui s’est fait de la même manière ?
Y a des artistes qui m’ont plus marqué. De toute façon, y a des artistes qui sont plus marquants. Y a des artistes game changer. Quand ils arrivent, tu sais très bien qu’on va les retenir. C’est ceux qui vendent le plus au final, parce que c’est trop ce qu’ils ont proposé. À l’époque, Booba sa façon de rapper c’était un peu nouveau. Après y a eu La Fouine qu’a chanté un peu, Rohff il avait sa voix, sa façon de rapper. Y a eu la Sexion qu’a eu des maxis refrains, ils ont fait plein de freestyles sur internet, plein de trucs. Après y a Nekfeu qu’est arrivé, qu’a ouvert les portes à tous les rappeurs blancs qui se sentaient pas à l’aise de faire du rap. Peut-être à raconter autre chose que les rappeurs de quartiers qu’on avait à l’époque. Y a eu PNL avec le cloud. Même j’pense au cainris, y a eu Drake qu’a amené un espèce de R’n’b/Rap on sait pas trop, hyper hybride. Y a eu Kendrick, Travis, Kanye. Je pense que les gens qui m’ont marqué, c’est ceux qui ont marqué le rap en fait. Parce que, quand Young Thug il arrive avec Barter 6, tu peux que t’en rappeler du projet si tu l’as écouté quand c’est sorti. C’était trop. La voix qu’il avait, les prods, les mélos qu’il faisait dessus, c’est des moments, tu sais que t’es en train d’écouter un truc de ouf. Comme SCH avec A7. Moi je me le prenais pas forcément à l’époque, y avait un pote à moi qui le tabassait dans sa voiture, il écoutait que ça. Donc j’écoutais un peu via lui. Et au final c’est un projet de fou. Comme Ipséité… Je pense que ce qui m’a marqué, c’est ce qui a marqué les gens globalement. Et c’est pas pour rien en fait. Y a eu une proposition à un moment, et elle est tombée au bon moment pour que tout le monde réagisse dessus, et que tout le monde ai envie d’écouter ça. C’est comme ça que ça se passe de toute façon. Faut envoyer la bonne musique au bon moment. Pour moi c’est ce qui va faire que ça va devenir un classique instantané, ou un truc dont tout le monde se rappellera.
Et du coup, comme tu dis, “j’écoute G-Unit” et la Three 6 dans la phase, est-ce que toi t’es encore du genre à écouter du rap à l’ancienne ou tu te manges juste ce qui se fait maintenant ?
En vrai, j’en écoute quand j’y pense. Globalement j’essaie de découvrir un peu les artistes, j’écoute les sorties mais pas tout ce qui sort. Des fois j’écoute ce qui sort mais pas le vendredi. Mais globalement je reste dans la course quand même. J’avoue que j’ai plus tendance à écouter ce qui sort que des sons à l’ancienne. Mais des fois ça fait juste du bien de retourner dans d’autres trucs, d’autres sonorités, d’autre souvenirs. Et puis surtout que, plus le temps passe, plus tu peux faire le tri sur ce qui t’a vraiment marqué. Et du coup, tu repenses à cet album-là qui t’a marqué, tu le laisses dans ta bibliothèque Spotify et tu sais que des fois tu pourras y retourner. C’est comme là, je vois ma bibliothèque, y a Blond (Frank Ocean), y a Barter 6 comme je te dis. Y a 17 de XXXTentacion, Nero Nemesis (Booba). Y a What a Time to Be Alive de Drake & Future. C’est assez récent mais je sais pas, y a des albums de Mac Miller, l’album de Solange. Peut y avoir Lunatic, y a Ipséité… Des fois t’y retourne. Mais c’est vrai que globalement, on a plus tendance à rester dans la course, pour être à jour, pour pouvoir en parler, réagir. On fait de la musique donc c’est bien de voir dans quel paysage on est quoi.
J’ai une dernière question de type référence. Ton nom de scène vient de l’écrivain Paulo Coelho, auteur de L’Alchimiste, qui est le premier livre que t’as réussi à terminer et que t’as vraiment apprécié, d’après ce que tu disais dans une interview. Ça fait maintenant plusieurs années que tu le portes. Est-ce que tu te reconnais encore dans cet écrivain et dans ce livre ?
J’ai pas relu le truc. En fait, j’ai pris ce nom-là parce que c’était un nom de famille. Je voulais un nom de famille en fait. Et moi j’ai pas forcément d’origine qui fait que je peux avoir un nom de famille qui sonne pas français. Et les noms de familles français je trouve pas ça hyper cool en terme de sonorité. Moi mon nom de famille c’est Papin et je trouve pas que ça sonne de dingue. Même si c’est un nom qu’a déjà eu quelqu’un de connu. Mais en soit le nom, Coelho, me dérange pas. Et puis de toute façon, j’ai pas pris ce nom-là pour toujours être rapporté à l’auteur et tout. Là maintenant je m’accapare le nom. Et je vais faire en sorte que ce nom-là il évoque autre chose aux gens, si on arrive à être connu. Là, pour moi, c’est plus son nom de famille. C’est un nom de famille, que je me suis accaparé, et on va faire en sorte qu’il m’appartienne et qu’il soit en résonance avec ce que j’essaye de faire. Que, quand on dit Coelho on pense au rappeur et peut-être pas l’auteur. C’est le défi.
Toute dernière question, le site s’appelle VraisSavent en référence au titre Les vrais savent de Lunatic. D’après toi c’est quoi LA chose essentielle que les vrais devraient savoir ?
La chose essentielle je pense, c’est d’écouter ce que vous avez envie d’écouter, et pas d’écouter ce dont on parle sur Twitter le vendredi. Ce serait peut-être ça.