Interview Vrais Savent : Deadi
InterviewsAlors qu'il rappe depuis près de vingt ans, Deadi ne s'est exposé au public que l'année dernière. Après un succès aussi soudain qu'inattendu, grâce à plusieurs freestyles postés durant le confinement, il a sorti le 26 mars, Tout va, un disque à son image, un "joyeux bordel" bourré de références. Deadi nous a parlé de l'album, son récent succès, les featurings, et les nombreuses références présentes dans l'album.
Le 26 mars, tu as sorti ton tout premier album, alors que tu as la trentaine, et qu’au final tu écris depuis des années, comment tu vis cette sortie ?
Je pense que quand tu accordes beaucoup d’importance à ce que font les autres, t’as tendance à comparer et te dire “je suis vieux en fait, comparé à ceux qui sortent leurs premiers trucs”. Mais c’est pas plus mal qu’il sorte alors que j’ai 37 ans. Je pense pas que j’aurais sorti un aussi bon album si j’avais pas eu le temps de travailler, d’explorer pleins de pistes, de connaître ce que je fais. Donc c’est un mal pour un bien. De toute façon, y a du positif dans tout.
Tu as sorti une mixtape en juillet dernier, à ce moment-là tu savais que tu sortirais un album…
En fait, je savais que quoi qu’il en soit j’allais partir enregistrer, mais comme on savait pas du tout ce qu’allait nous arriver, c’est tombé en plein confinement. De peur que les gens aient rien à se mettre sous la dent, j’avais ces petites maquettes de côté, on les avait mises sur Youtube et retirées pour pas avoir de problème. Je sais qu’y en a qui les avaient bien aimées, donc on les a mis à dispo gratos sur Soundcloud pour que les gens puissent continuer à les écouter. Et patienter avant que ça arrive parce qu’on savait pas du tout le temps que ça prendrait à le sortir.
Est-ce que ça te permettait de relâcher un peu la pression dans un certain sens?
Finalement pas vraiment parce que vu que c’était des trucs que j’avais déjà mis sur Youtube… Non c’était plus, ça m’embêtait de priver les gens de titres qu’ils ont bien aimé. Moi je suis le premier quand un mec que j’adore retire ses trucs j’suis en mode “oh non pourquoi?” donc j’avais pas envie de faire ça aux gens qui me suivaient. C’était juste ça.
Tu as eu un succès assez soudain avec tes freestyles. En moins d’un an, tu as des dizaines de milliers de followers sur tous les réseaux, des centaines de milliers de vues sur tes sons. Toi qui fait du rap plutôt à l’ancienne, plutôt technique, d’après toi qu’est ce qui explique ton succès ?
Ça honnêtement c’est la grosse interrogation ! Parce que moi le premier c’est ce que j’me disais, y a tellement de mecs qui se battent pour faire leur trou, j’pensais vraiment être à l’abri. Et puis je regardais les mecs que j’aime le plus… Et ça m‘a paru bizarre que j’ai plus d’abonnés que certains mecs que j’écoute depuis très longtemps. Même si je sais que ça représente rien finalement. C’est une fois sur scène, en concert, que tu vois s‘il se passe un truc avec les gens. Mais ouais ça m’a fait bizarre, parce que les mecs que je considère comme les meilleurs sont pas forcément plus exposés que ça.
Au-delà de ta gymnastique des mots, qui t’apparentes à une certaine école, tu as quelques gimmicks reconnaissables. Le “kekekekeke’s qui s’passe”, et même le “grand” que tu utilises souvent. Tu penses que ça contribue un peu à ton image ?
Ouais, mais en fait c’est pareil c’est des trucs que je fais tout le temps… C’est ça qu’est marrant, c’est devenu mes gimmicks mais je fais pas exprès. J’ai vraiment l’habitude de faire “kekekekeke’s qui s’passe” avant de commencer histoire de choper la prod. Je peux pas partir brut pour pomme comme ça. Les “grands”, c’est souvent quand y a des trous. C’est inconscient, mais tant mieux parce que vu que je le fais tout le temps sans faire exprès.
Pour revenir un peu sur l’école du rap à laquelle tu appartiens, sur l’album il y a deux featuring, avec deux techniciens de la rime vraiment réputés en France. J’imagine que tu ne t’attendais pas à avoir des pointures pareilles sur un premier projet ?
Je les appelle les puzzles masters ! Je m’y attendais pas du tout, en fait je m’imaginais même pas faire un morceau avec quelqu’un que j’écoute vraiment. Déjà je pensais pas faire un morceau tout court ! Celui avec Weedim j’étais trop content. Et faire un morceau avec quelqu’un… En plus t’imagines ? Le premier mec avec qui j’ai fait un son c’est Vîrus ! C’est complètement fou. C’est clairement le crayon qui me touche le plus, et comme c’est un mec que j’écoute beaucoup, en tant qu’auditeur, pour moi c’était pas un mec… Enfin tu vois c’est l’Associal Club ! Vîrus il aime personne ! Et le fait qu’on se rencontre et que ça colle aussi bien… Pour moi c’est devenu un pote en cinq minutes. Quand j’me suis rendu compte que c’était pareil de son côté ça m’a vraiment fait quelque chose genre “putain la vache, moi qu’ai tellement de mal d’habitude à coller avec les gens, j’arrive à coller avec ce type-là, c’est fou quand même”.
C’est vrai qu’à l’entendre ça a pas l’air d’être un mec “facile d’accès”
Ouais parce que vu qu’il fait des triples sens, qu’il fait des textes très torturés, l’humour il est pas évident à déceler. Mais il a quand même des phases super marrantes. Moi sur son morceau sur la prod d’Al’Tarba quand il dit “J’dis wesh à des chats j’te jure qu’ils me regardent” je trouve ça génial. Il balance ça au milieu de plein de noirceur ! Souvent ce que je dis, c’est que je suis un arc-en-ciel au milieu d’une bande noire et une bande grise, mais Vîrus c’est pas qu’une bande noire, lui aussi y a de la couleur dedans, vraiment.
Au-delà de la connexion amicale que tu as pu avoir avec lui, tu n’avais pas une certaine pression à écrire “face” à lui et Kacem ?
Ah mais de fou ! Vîrus j’aurais jamais osé lui demander. Heureusement qu’il l’a mis lui-même sur la table en me disant “si un de ces 4 tu veux faire un morceau”. Au même moment j’écrivais Avec des si, c’est pour ça que c’est devenu notre morceau. Parce que quand on s’est rencontré j’me suis dit, vu que maintenant j’ai conscience qu’il regarde mes machins, j’vais peut-être casser le crayon. Ça va lui faire plaisir et ça va me faire plaisir de lui faire plaisir. J’me suis dit “va creuser profond dans les refs, vu que lui le fait beaucoup tu peux y aller”. Il a trouvé ça cool et je lui ai proposé de faire le morceau avec moi. Et encore, il avait prévu de faire un truc avec des “Di” partout. Moi derrière j’avais écrit un truc avec des “Vi” pour Vîrus, lui derrière il projetait d’écrire un truc avec des “Pi”, et c’est DJ Blaiz qu’a dit “les mecs vous êtes en train de partir en couille”.
Et Kacem c’est pareil, j’avais kiffé son album. Humainement ça se voit que c’est un mec super, et quand on s’est rencontré, pareil. Comme avec Vîrus mais avec un chapeau. En fait One Drop m’avait contacté sur Insta, et m’avait proposé des prods. Sachant qu’il a produit 20/20 de Kacem, j’y réfléchissais et j’me disais “j’aimerais bien inviter Kacem donc si y en a une ou il peut monter dessus, ça va me pousser à lui demander”.
Il y a une autre particularité dans ton album, c’est l’aspect storytelling, en particulier sur RER D’ et Le voisin du 4e. Comment tu t’inspires du quotidien pour écrire ?
En fait, souvent, j’écris la première phrase et ensuite je la suis. Une fois que j’ai chopé le bout de la ficelle, je tire, je tire, jusqu’à avoir toute la pelote. Et si la pelote a une bonne gueule, je la donne à jouer au chat.
Est-ce que les rimes se forment naturellement, ou c’est plutôt la trame qui vient et les rimes tu les fais derrière.
J’fais ça tellement au feeling que j’me rends pas trop compte. En fait, je crache le premier jet, je le retriture au moins 500 fois, voir si ça glisse bien. Si c’est pas le cas je m’efforce de faire en sorte de changer des trucs pour que ça glisse mieux, parce que le but c’est que ça glisse. Je cogite pas tant que ça. Pour Voisin du 4e ça s’est fait spontanément, j’suis parti là-dessus et j’me suis dit “j’pars là-dessus”. Pour RER Déprime c’est un petit peu pareil. J’étais juste content de faire cet exercice-là, parce que sinon l’album aurait été trop freestyle. Et c’est bien qu’il le soit parce que c’est mon gros kiff et il faut pas se priver de ce qu’on aime, mais c’était important qu’il y ait un ou deux storytellings, ne serait ce que pour essayer. Un morceau comme Zelda avec un tout petit peu plus d’introspection. Arrêter de déconner juste deux secondes. Mais comme je suis quand même un gros déconneur de base faut que l’album il déconne sinon c’est pas normal.
Ce côté quotidien, qui va nous glisser lentement vers les références, se ressent ailleurs. Dans tes textes tu fais beaucoup de name dropping, de personnes de ton entourage, mais dont le public ne sait rien. Pourquoi les cites-tu autant ?
Vu qu’à la base j’allais tout le temps rapper qu’à mes potes, forcément t’imagines que quand tu fais une vanne sur les yeux de Jimmie y a tout le monde qui rigole. Que tu balances une vanne sur Moussa qui picole y a tout le monde qui se marre. Fin, tu vois c’est vraiment ça. Quitte à name dropper quelqu’un, genre si ça part sur la vue ou sur la façon de voir les choses, j’pense à Jimmie direct.
Justement c’est qui Jimmie pour toi ?
C’est mon meilleur pote ! Il a des gros gros problèmes de vue, donc à chaque fois que j’pars là-dessus, j’suis obligé de le mettre partout. C’est mon poto, je sais que ça va le faire marrer, les trois-quarts des gens qui me suivent ils vont capter la ref en mode “Il a un poto qu’a des problèmes de vues”.
Effectivement, tu le cites au moins trois ou quatre fois dans l’album.
Et encore ! Pour l’album on a été jusqu’à le ramener en studio et il a backé ses propres phrases ! Alors qu’il est pas rappeur. Il est boxeur à la base, et chaque fois que je le cite dans l’album y a sa grosse voix derrière.
Avant de parler des références dans tes textes, il faut faire un point cover. Il y a vraiment de tout dessus, on croirait presque que c’est une sorte de nanar, un peu à la Sharknado. Avec une idée d’en rajouter toujours plus, c’était ça l’idée ?
C’est exactement ça ! C’est pour ça que c’était marrant le dire de Tout va, sur ma gueule tout va et derrière y a rien qui va. Y a un T-Rex qu’a rien à foutre là, y a mon bâtiment. Comme une vieille affiche à la Troma, des trucs des Mad movies, des trucs avec des gros crayons, des trucs de Giallo. Y a toujours moyen de piocher, ça fait un espèce de patchwork chelou. Et puis le fait de l’avoir encadré avec l’habillement Megadrive, moi je valide.
En même temps, c’est un peu à l’image de ton rap, et de tes références. Par moment tu peux faire beaucoup de références à la seconde et à la suite. Est ce que tu les sors complètement naturellement ou bien quand tu fais ce genre de long name droping tu fais exprès d’en mettre énormément de suite pour perdre l’auditeur qui les auraient pas toutes ?
C’est vraiment pour me faire plaisir à moi. Et en même temps vu que je saoule mes potes avec tous ces gens-là, même s’ils connaissent pas plus que ça ils en ont entendu parler. Quand je dis “Pinhead”, en plus je le prononce bien à la française, Jimmie il rigole. Et puis je mets tous les arts au même niveau. Y a des jeux vidéo qui butent certains films, y a certains films qui butent les jeux vidéo, y a de la musique qui bute les deux, des sportifs qui butent les trois. Je mets vraiment tout à la même hauteur. Donc j’peux mettre un réalisateur de film et derrière un personnage de jeux vidéo puis derrière un pote à moi.
Justement par moment tu fais des références vraiment pour des initiés. Par exemple “Mallory quitterait Mickey, Mickey niquerait avec Daisy” il faut connaître les deux Mickeys dont tu parles. Ou bien quand tu parles de l’hôpital Velpeau, ce n’est pas forcément évident. C’est important pour toi de faire passer cette culture ?
Je sais pas si c’est important, mais si spontanément c’est des trucs qui me viennent, ça doit me tenir à cœur. Puis c’est pareil, j’aurais pu partir sur les bons et les mauvais chasseurs et ça aurait été plus clair pour tout le monde. Mais moi quand j’étais petit, ce truc-là j’ai pleuré de rire. Vu que c’est mon ressenti à moi autant mettre ce qui m’a le plus touché même si c’est pas ce qui parle à tout le monde. Au moins ils sauront ce qui moi m’a touché, c’est pas plus mal. Je pense que ça doit me faire du bien d’évoquer des trucs que j’aime bien. Vu que c’est vraiment la zic au feeling, faut qu’y ait des trucs que j’aime bien dedans. Et puis t’en es content derrière. Moi je suis content d’avoir placé des noms d’auteurs. Quand Banzaï est sorti j’étais content, j’me suis dit “les gens ils ont entendu Berial et Elmer”.
Et comme ils sont placés au milieu d’autres références qui parlent peut-être plus aux gens, ça va les pousser à aller chercher ce que c’est !
Ouais ! Puis à l’époque, j’ai grandi avec du rap qu’était très référencé. Y a plein de trucs que j’ai découvert parce que des rappeurs les citaient, mais dont j’avais jamais entendu parlé. J’me souviens que ça m’avait traumatisé quand Faf Larage, sur le morceau de Chronique de Mars, La Cavale, il disait “Là j’réalise, j’me retrouve dans les bois, genre Twin Peaks, bien paumé j’ai les foies”. Genre que le type il cite Twin Peaks, j’me suis dit “mais en fait on peut vraiment tout mettre”. Parce que Twin Peaks ça a rien à foutre dans un morceau de rap. La série la plus abstraite, le truc de David Lynch le plus chéper qui soit, il te le fout comme ça au beau milieu d’un storytelling, et ça glisse de fou parce que quand il te dit ça tu la vois la forêt.
Pour revenir sur ta cover, et tu l’as dit, il y a cet aspect jaquette de Megadrive, qui a eu l’idée de faire ça ?
C’est moi parce que ça me faisait marrer. C’était vraiment le truc de se dire “moi c’est ma console fétiche”, puis ça fait partie de mon truc aussi. Donc on s’est dit que ce serait parfait. J’ai projeté plein d’idées , c’est Slob qui a tout fait derrière. Je lui disais “Mon bâtiment il fait 13 étages, ce serait cool de faire 13 titres“ en plus on prenait le panneau d’ascenseur, donc j’ai pris une photo de l’ascenseur je lui ai envoyé. Le bâtiment sur la cover je l’ai pris en photo aussi en lui disant “on mettra des bandes jaunes au quatrième”, enfin tu vois. Comme un texte, on a balancé plein de trucs, et heureusement c’est Slob qui a mis en forme derrière. En tout cas j’en suis super content. Le moment où il a mis le grain pour que ça fasse crayon c’était nickel. Y a un petit côté Duke Nukem, et j’ai mon t-shirt Sakuraba !
Justement une des particularités de ton écriture, ce sont les nombreuses références aux jeux. Il y a évidemment ta pochette mais pas seulement. Tu fais des références de presque toutes les époques. Megaman sur la Nes, Street Fighter et Sonic pour la génération d’après. Sephiroth pour la ps1, Pyramid Head pour la ps2, et même Sekiro pour la ps4. Ça a quelle place dans ta vie les jeux vidéo pour que tu en cites autant et d’autant d’époques ?
Je suis né le 15 décembre 83 donc j’ai grandi avec les jeux vidéo. Quand je suis né, le daron il avait une Vectrex, l’Amstrad. Des trucs où tu te dis “bordel mais j’ai joué à ça moi” ! Après y a eu la Master System, la Megadrive, la Gamegear, le Mega CD, la Saturn, la Dreamcast, moi j’étais team Sega à fond ! J’étais vraiment le mec du tiekar chez qui tout le monde squatte pour jouer. Et puis je me suis pris des gros chocs sur des jeux vidéo. Pour moi Silent Hill 2, il éclate énormément de films, qui pourtant sont de réputation bien écrits. Rien que pour ce jeu-là le média jeux vidéo, je le mets dans les arts. Le sound design est parfait. Des fois juste au niveau du son il se passe un truc, tu te prends un choc monstrueux alors qu’il s’est rien passé visuellement. La musique, elle est incroyable. La 3D prend des coups de vieux mais sur ce jeu-là ça lui donne un grain dégueulasse qui lui va bien. Donc ça sert le propos, et puis le scénar, l’histoire… Non ça c’est un jeu parfait.
Et de tous ceux que tu as pu citer sur l’album tu dirais qu’au final lequel a eu le plus gros impact dans ta vie, c’est lui ou un autre ?
Y a Another World aussi ! De Eric Chahi. Ça, ça m’a traumatisé quand j’étais tipeu. Y avait aucun jeu comme ça. Y avait aucune ligne de dialogue, on savait pas ce qu’on foutait là, mais en même temps c’était le propos, fallait que le joueur se demande ce qu’il foutait là. C’est vraiment un jeu où je me suis dit “Ah mais en fait ça peut être ça aussi le jeu vidéo” ?
Donc vraiment quand tu dis “face à moi t’as l’espérance de vie d’un stick analogique droit” c’est que t’en as usé des sticks ?
Ouais puis c’est constamment le droit en plus !
À un moment tu parles de PaRappa the rapper. Il se trouve que le mois dernier, Liqid était interviewé sur notre site, et il avait lui aussi cité ce jeu. Alors je te poserais la même question. Tu dirais que tu as quel point commun avec ce personnage là toi ?
En fait, quand tu regardes comme ça, il est con ce jeu, mais ce connard de chien il rappe pas si mal que ça. Il a des putains de flow old school. Ce jeu-là attention ! Il était pas si mal, moi j’avais bien aimé. Mais ma phase c’est vraiment, “être la mascotte d’un game qu’en est plus un”. Même à l’époque pour PaRappa on était à la limite du jeu, ça reposait que sur des QTE (Quick Time Events, le fait d’appuyer sur les bons boutons au bon moment). Puis j’étais content de le citer. Au final, ça reste un des personnages les plus hip hop des jeux vidéo. S’ils font un Parappa 3 aujourd’hui, avec la façon dont les flows se sont diversifiés, ils pourraient faire de sacrées rencontres. Il va boire de la lean ! Attention, PaRappa il va faire des trucs de fou !
Sur certains titres, on peut aussi entendre des sons de jeux vidéo. Il y a le bruit des rings de Sonic quand tu en parle sur J’hésite, ou des sons de Street Fighter 2 sur Pas humain par exemple. Est-ce que c’est toi qui a décidé de rajouter ces sons pour créer du relief ou c’était ton équipe ?
En fait, on a fait l’album avec Loko et c’est un geek comme moi. Le soir ou j’ai dormis chez lui, on a passé la nuit à jouer à Puzzle Street Fighter. Pour Pas humain, c’est lui qu’avait rajouté les trucs de Street Fighter. Et en fait moi j’y avais pensé mais j’osais pas trop. Le fait qu’il le fasse ça m’a boosté. Donc quand on a mixé le morceau J’hésite, je lui ai dit : “sur la phase qui fait “Des fois j’hésite à tracer tout droit ou à ramasser des rings”, tu peux mettre le “dring””.
Au final c’est top pour les joueurs. Parce que les gens qui ont joué à Sonic, sans même le citer, ils vont immédiatement capter la référence.
J’avoue, j’me suis jamais posé la question, mais en fait c’est vrai que mine de rien, quelqu’un qu’est même pas francophone, à ce moment là du son il a moyen de voir qu’y a une référence à Sonic.
Il y a un autre son, dans Galère, c’est le “Espèce d’enfoirés”, issu de South Park. Il se trouve que tu parles au moins trois fois de Kenny dans l’album, à chaque fois de façon différente. Est-ce que l’objectif c’était de parler de lui de toutes les façons possibles ?
L’objectif en tout cas c’était qu’il revienne. Fallait qu’il soit là plusieurs fois. Genre toutes les deux pistes il fait une nouvelle apparition parce que c’est un nouvel épisode. En fait je l’ai fait inconsciemment et après j’me suis dit “Ah ouais en fait c’est parfait”.
À quel point la série t’a marqué pour que tu la cites si facilement ?
Je la cite autant parce que South Park c’est des fous. Surtout qu’on a plus rien. À l’époque, y avait quelques petites bulles avec Les Guignols de l’info par exemple, qui dédramatisait les vrais trucs graves. Comme tout ce qui touche les ricains finit par nous toucher à un certain moment, quand tu regardes les mecs de South Park qui sont en train de rigoler des trucs les plus graves qui soit, franchement ça fait du bien. Parce que c’est un dessin animé, rien n’est grave. Ce qu’est grave c’est que ce soit arrivé pas qu’on en rigole. Je trouve qu’ils font partie des gens les plus couillus, en tout cas parmi les plus exposés. J’aimais beaucoup le côté corrosif des Simpsons mais c’est plus par rapport au côté familial. Et puis Homer c’est un dieu. La définition de l’homme parfait de Nietzsche, c’est Homer Simpson limite. Mais South park c’est vraiment pour le côté.. même trash talk. Y a des persos qui disent des trucs.. y a qu’eux qui peuvent les dire en fait. Dans un monde ou c’est de plus en plus difficile de dire quoi que ce soit une série comme ça t’es quand même à te dire “putain la vache, c’est beau”.
D’ailleurs c’est pas la seule série animée qu’il y a dans tes textes, à un moment tu parles de Patrick et Bob en parlant de weed. Est ce que là par exemple c’est une référence que tu maîtrises autant ? Et de manière générale, tu maîtrises toutes les références que tu peux placer ?
Non du tout du tout du tout. Par exemple pour ce truc, c’est plus par rapport des fois à mes neveux ou quoi. Pour le coup Bob L’éponge, c’est pas une référence propre à moi, mais je sais que ça va parler à mon entourage.
Pour rester dans les animés, tu fais quelques références à des mangas. Sur la BLC mixtape tu parles de Sailor Moon à un moment, dans FDP tu sors cette phase incroyable “Dans One Piece t’es Luffy’s de pute”. J’imagine que c’est lié à ton âge et au Club Dorothé, mais justement, ça a eu quelle importance dans ta vie les mangas ?
Je pense que c’est culturel, et puis ça se rapproche un peu des jeux vidéo, du cinéma d’animation en lui-même. J’ai grandi avec tout ça donc forcément je suis de l’époque Dragon Ball, Chevaliers du Zodiaque, Ken le Survivant, et tous les trucs qu’on voulait pas se manger et qu’on se mangeait aussi. Mais après c’est pareil c’est de la pure nostalgie. Mais je vois pas ça mal. Quand je retourne sur des épisodes de Ken le Survivant ou Nicky Larson, rien que le doublage français c’est mortel, c’est incroyable. Et maintenant que tu le vois avec ton œil d’adulte tu vois comment ils ont essayé de te le filer en tant que gosse, c’est génial. Après honnêtement, y avait les mangas, mais y a tout ce qui est animation en général. Moi les Looney Tunes c’est putain d’important pour moi. Tex Avery c’est grave important. Je suis un gros gros fan d’animation, Bill Plympton pour moi c’est un dieu. Y a des trucs qui me touchent vraiment plus que tout.
Le manga que tu cites le plus, très présent dans la mixtape, et dans l’album, c’est Dragon Ball. Plus que les mangas en général, comment ça t’a accompagné ? Sachant que tu cites toutes les générations, ça a dû te suivre pendant des années.
Ouais c’est ça le truc. Quand j’étais petit c’était Dragon Ball, qui m’a retourné. On s’intéressait pas encore à d’où il vient. C’était juste un petit shonen, le singe roi. J’aimais bien le délire du Ruban Rouge, des Arts Martiaux, de Tao Paï Paï, de Piccolo et du deuxième, j’aimais bien tout ce truc là. Aujourd’hui avec le recul, même avec les versions Kaï qui sont refaites, dans DBZ, la suite, tu vois les fillers un peu. Même le fait que Freezer il revienne.. après Namek et tout c’est mortel, y a plein d’épisodes vachement biens, y a des passages terribles. Mais avec le recul, si la tout de suite faut qu’on en rematte je te dis “Viens on se fait Dragon Ball”. Alors y aura pas de planètes qui explosent mais ce sera cool quand même.
Et tu ne précises pas quel est le pire entre Dragon Ball Super et Dragon Ball GT.
Honnêtement je suis pas objectif parce que DBGT j’ai limite pas regardé. En fait j’ai beaucoup aimé DBZ parce que c’était le prolongement de Dragon Ball. GT, j’ai essayé d’y jeter un œil parce que c’était censé être le prolongement de DBZ mais en fait ça m’a complètement paumé. Déjà l’écart entre les deux c’est trop, mais imagine entre Dragon Ball et GT, clairement t’y comprends plus rien. Et puis du coup DBS, pour le peu que j’ai vu ça se limite aux films d’animation mais laisse tomber, au bout d’un moment la surenchère.. On en est à combien ? Si le mec il claque des doigts il pète 10 planètes et on attend qu’y en ai un qu’arrive et qu’en pète 12 ?
Après c’est cool, si ça plaît à des gens c’est mortel, et puis je suis quand même content que ça continue. Mais y a un truc que j’ai écrit où je suis en mode “J’suis de ceux pour qui tout s’arrête à l’arc Buu”. C’est vraiment ça, tout le reste ne me concerne pas.
Tu fais référence aussi à énormément de films : Freddy, Star Wars, Shining, Avatar évidemment, Un tramway nommé désir. Beaucoup de blockbusters, de films liés à la pop culture. Des grosses productions, ou en tout cas de gros succès. Ce sont les films qui te parlent le plus, ou tu peux kiffer des trucs plus confidentiels ?
Ah non moi au contraire, je suis pas un gros bouffeur de blockbuster. Ma grosse culture c’est le cinéma bis. Je suis un baisé de Giallo Italien. J’ai tous les Mad Movies à la maison. Je suis un dingue de tout ce cinéma là. Que ce soit les films de Carpenter, de Wes Craven, de Takeshi Miike, les films de Rob Zombie. Tous les réalisateurs japonais que ce soit Takeshi Kitano, Siono Son, y en a trop. Je suis vraiment fanatique de ça. À la maison c’est une catastrophe, j’ai je sais pas combien de DVD. Mais ouais les croquemitaines emblématiques que ce soit Freddy, Chucky, Jason, Michael Myers, Candy Man, Pinhead, ça c’est ma culture à fond !
Beaucoup de cinéma d’horreur, ou des slashers, ou en tout cas lié à cet univers là.
Oui, c’est des trucs qui veulent faire peur mais qui sont quand même marrants. Les films de Rob Zombie je veux les réhabiliter fort. Et vu comment ces films-là vieillissent. C’est des productions fauchées. Les tipeux ils te demandent “Sérieusement ça te faisait peur ça”, mais y avait rien d’autre, c’était ça les films d’horreur. Après c’est pareil. Tout le Japon ils ont été traumatisé par Godzilla, tu regardes le Godzilla original tu te dis c’est marrant. C’était pas la même époque. Et puis je suis pas un adepte de perfection. C’est pour ça que mon dieu c’est Kazushi Sakuraba. Aujourd’hui il a plus de défaites que de victoires, mais ça restera à jamais le plus grand pour moi, rien que pour la mentalité. Ah oui et le premier Massacre à la tronçonneuse, parce que j’ai pas parlé de Leatherface c’est pas bien.
Toujours un peu autour de la peur, dans les paroles et le clip de Banzaï, il y a quelques clowns, celui de Ça, le Joker, et même Ronald, tu dirais que tu t’apparentes le plus auquel ?
Joker ! Parce que le Joker je sais pas s’il est foncièrement méchant. Alors que Pennywise il est foncièrement méchant, et Ronald MacDonald il tue des gosses donc laisse tomber. Mais tu vois c’est pareil, sur Banzaï forcément j’y pensais aux clowns. Et je voulais mettre le Captain Spaulding de Rob Zombie, j’voulais foutre Kefka d’FFVI, mais.. “nan je les mettrais une autre fois”. Mais au début j’étais parti là dessus, “J’pourrais foutre Dr Patch, je pourrais foutre Gonzo”, et après je me suis dit “reste en mode freestyle part pas que dans les clowns”. Et au final avec le recul j’me dit que j’ai bien fait de pas les mettre, parce que j’vais pouvoir les mettre ailleurs encore mieux.
Tous ces personnages ont quand même un gros problème de folie. Sur l’album il y a un titre qui s’appelle Folie, sur BLC il y avait un titre qui s’appelait Fou. Pourquoi ce thème revient autant dans ton écriture ?
On m’a toujours appelé le rappeur fou. Ça fait 17 ans que je rappe, et depuis toujours c’est Deadi le rappeur fou. Mais moi j’en joue de ça, parce que dès que t’es fou tu fais ce que tu veux en vrai. Et si être fou c’est faire ce que tu veux, je suis complètement fou. Comme ça derrière j’suis tranquille, quand tu lâches “Jafar il viole Jasmin a coup de lampe magique” ils se disent “ah ouais c’est parce qu’il est fou”. Tant que j’ai pas de problèmes je prends ahah. Et puis ce côté fou, ça crée une cohérence dans ce joyeux bordel. Mais c’était vraiment ma grosse crainte, parce que je sais ce que ça représente un album aux yeux des gens. J’me suis toujours considéré comme un ingrédient cool, en mode Cypher genre quand y a freestyle j’arrive c’est marrant. Mais j’me suis jamais considéré moi tout seul comme un plat suffisamment consistant. Donc y avait vraiment ce truc là de me dire c’est un album, il faut que je fasse des efforts, qu’il y ai plusieurs types de sons, de prods, mais qu’on garde ce côté fou et ce côté un peu bordel.
Toute dernière question, le site s’appelle VraisSavent en référence au titre Les vrais savent de Lunatic. D’après toi c’est quoi LA chose essentielle que les vrais devraient savoir ?
Qu’ils en savent pas plus que les autres ahah. Non attends… j’ai 8000 expressions qu’arrivent d’un coup. Les vrais savent ce qui est vrai.