John Williams, grandiloquence

Le compositeur le plus nommé aux Oscars. Plus de 60 ans de carrière. Plus d’une centaine d’œuvres, entre BO de films, de séries et même quelques concertos. Des thèmes musicaux qui auront marqué l’histoire, des Dents de la mer à Harry Potter, en passant par Star Wars ou Indiana Jones. Tous les styles musicaux maîtrisés. Des mélodies connues de tous. John Williams est incontestablement le compositeur le plus réputé de la planète. Alors qu’il a remis au goût du jour, presque à lui tout seul, la musique orchestrale au cinéma, celui qui était pourtant musicien de jazz au début de sa carrière, est devenu, avec le temps, une légende du grand écran. Il a inspiré de nombreux cinéastes et compositeurs, et sans grande surprise, il a aussi inspiré des rappeurs et beatmakers.

John Williams est connu pour de nombreuses œuvres, mais ce sont surtout ses collaborations avec deux réalisateurs qui lui ont permis d’avoir une telle renommée. Le premier avec qui il a travaillé, c’est Steven Spielberg. Ils se sont trouvés assez rapidement, et ont conclu avec leur deuxième coopération, leur premier succès planétaire : Les dents de la mer. Il a suffi de deux notes pour traumatiser toute une enfance, et être repris absolument partout. En tant que fan de cinéma, rien d’étonnant à ce qu’un instant du thème principal du film soit inséré sur le titre La grande évasion d’Hippocampe Fou, au moment où il parle justement de requins. D’ailleurs, comme il le dit en interview, il est lui-même fan du compositeur.

Suite aux premiers films de Spielberg, et notamment au succès sans précédent des Dents de la mer, la collaboration entre les deux hommes va durer. Le réalisateur ne fera d’ailleurs presque plus de films sans les compositions de Williams. Ensemble, ils ont alors produit moult autres longs métrages qui ont marqué le cinéma (E.T., Indiana Jones, Il faut sauver le soldat Ryan…), mais ce sont leurs deux films sortis en 1993 qui ont imprégné le rap français. D’abord La liste de Schindler, œuvre dont les spectateurs se souviennent surtout grâce à l’intensité des acteurs, et l’utilisation de la couleur à certains moments clés sur un film en noir et blanc. Mais pour Nessbeal, Zeseau, Booba et Ali, c’est surtout le thème principal, samplé par Skaar, qui les aura marqués.

La même année donc, Spielberg sortira un autre des bangers du cinéma post 80 : Jurassic Park. Là encore, si la réalisation et les effets spéciaux impressionnants pour l’époque ont eu une importance considérable, c’est John Williams qui va cristalliser toute l’intensité du film avec sa musique. Et une fois n’est pas coutume, le thème principal du film va devenir mythique, au point d’être repris dans plusieurs titres du rap français. D’abord par Diomay, rappeur que vous avez notamment pu entendre plusieurs fois en collaboration avec Salif. Mais aussi par T.Killa, le troisième frère de Lino et Calbo sur la compilation Fat Taf.

Spielberg et Williams, c’est une relation fusionnelle et pleine de succès, mais le compositeur n’a pas eu ses lettres de noblesses qu’avec le fabricant de blockbusters. Il a su faire des hits sur d’autres films. C’est notamment lui, le magicien qui a composé la bande originale de l’une des séries de films les plus rentables de l’histoire : Harry Potter. Le monde entier connaît la mélodie au célesta jouée dès le premier film et reprise dans tous les épisodes. Assez logique alors de la sampler pour un morceau nommé Voldemort. Même si à première vue, il était difficile d’imaginer la MZ poser dessus.

Avant d’être le compositeur à succès que l’on connaît tous, John Williams était déjà derrière de nombreux films. Au début des années 70, il a alors participé à l’adaptation d’une comédie musicale à l’écran, nommée, en France, Un violon sur un toit. Si la plupart des musiques ne sont pas de lui, et qu’il a surtout contribué aux arrangements, il n’en reste pas moins l’un des contributeurs à la réussite du long-métrage. Il faut alors le remercier, en particulier pour le début du film, qui a contribué au premier album d’un des groupes les plus sous-cotés et pourtant les plus talentueux du rap français, Puzzle.

Plus tard dans sa carrière, après avoir enchaîné succès planétaires (surtout avec Spielberg) et films plus confidentiels, il participera à la bande originale d’un film, qui n’a pas forcément eu un succès extrêmement retentissant. Pourtant, la musique de Présumé Innocent a servi de base pour une compilation bien particulière du rap français. Au début des années 2000, de nombreux rappeurs se réunissent pour reprendre des morceaux de Renaud. Entre Oxmo Puccino, Disiz, La Brigade ou encore le Saïan Supa Crew, l’ex membre de La Cliqua, Rocca, reprenait Mort les enfants. Un titre où l’histoire commence à Bogota. Rien d’étonnant pour le rappeur qui intitulera son dernier album, quatorze ans plus tard, Bogota-Paris. Pour la reprise de ce titre, le thème de Présumé Innocent a été samplé.

Alors voilà, John Williams c’est donc des succès d’estime, des succès mondiaux avec les films de Spielberg ou encore Harry Potter, mais c’est aussi l’homme derrière la BO la plus iconique, de la série de films la plus iconique de l’histoire du cinéma. On peut d’ailleurs encore remercier Spielberg, parce que c’est lui qui a conseillé à George Lucas d’engager Williams pour Star Wars. Ensemble, ils formeront l’autre duo iconique que le compositeur forme avec un cinéaste. Il a créé de nombreuses musiques pour la série, et dès le premier épisode, certaines ont inspiré le rap français. On peut par exemple retrouver deux extraits du film dans L’undaground s’exprime chapitre 3 d’Assassin.

Vous le savez, Star Wars s’est décliné en de (trop) nombreux épisodes. C’est John Williams qui s’est occupé de la musique de tous les épisodes principaux. On lui doit alors de nombreux thèmes et mélodies mythiques. Mais comme vous avez pu l’entendre avec Assassin juste avant, il n’y a pas que les mélodies principales qui sont reprises. Et parmi tous les épisodes, le quatrième (le premier de la prélogie donc), par exemple, a été samplé pour un morceau d’Ärsenik et du Ghetto Superstar.

S’il y a une musique qui a marqué les esprits chez tous les spectateurs de Star Wars, c’est la fameuse Marche Impériale. Devenue aussi iconique que le personnage auquel elle est rattachée, la mélodie de Williams s’entend absolument partout. Notamment dans certaines boîtes de nuit, quand un client dépense énormément, ce qui explique son évocation dans le titre de Lacrim (et de nombreux autres) du début d’article. C’est cette musique, qui apparaît lors du deuxième épisode de Star Wars, qui va asseoir définitivement la réputation de Williams comme étant le compositeur le plus important de l’histoire du cinéma. Et c’est cette musique qui sera la plus utilisée dans le rap français. D’abord, sans grande surprise, pour la version épique de L’Empire du côté obscur d’IAM.

Le thème de Dark Vador a aussi été samplé pour un morceau de l’époque où Alpha Wann et Nekfeu étaient moins sérieux, plus à la cool et pourtant déjà techniques. À noter qu’ils ont d’ailleurs fait un jeu de mots de qualité approximative pour le titre du son.

Mais ce ne sont pas les seuls à avoir utilisé la Marche Impériale pour un morceau. Des rappeurs plus confidentiels comme Yoshi, a eu droit à un remix tout le long de son titre Up/Down. Ou bien un groupe comme le Dirty Zoo (dont les membres sont aussi amateurs de cinéma), a justement retrouvé Yoshi, et même Hippocampe Fou pour un final de leur morceau Les chevaliers du cognac, où ils chantent en chœur sur la mélodie de John Williams.

Voilà, rien qu’avec Star Wars, John Williams a eu un fort impact sur le rap français. Mais fun fact, Williams est un nom assez courant, John un prénom qui l’est tout autant. Alors sachez qu’un autre musicien, nommé John (Christopher) Williams, a été samplé sur le titre Mauvaise plume de CenZa de L’uZine.

Avec des centaines de bandes originales, et des dizaines de mélodies cultes, il semblait impossible que John Williams ne soit pas présent dans le rap français. Sans doute d’ailleurs que d’autres de ses compositions se trouvent parsemées dans des titres francophones. Et avec une discographie aussi importante, il continuera sans doute d’alimenter de nombreux morceaux.

Si vous êtes très portés cinéma, et particulièrement bandes originales de films, n’hésitez pas à lire l’article sur les samples de Requiem for a Dream, ou même ceux de Saint Seiya.