Manu Dibango, pour l’amour du rap
ProdsLe 24 mars 2020, le monde perdait l'un de ses principaux saxophonistes. Manu Dibango était l'un des artistes les plus important du Cameroun, et avait notamment popularisé le makossa à l'international. En plus de 40 ans de carrière, il a apporté énormément à la musique, et a aussi porté des pierres à l'édifice rap français.
Il y a déjà trois ans, le Covid enfermait la Terre et nous retirait, semaines après semaines, bon nombre d’artistes ayant révolutionné la musique. L’un des premiers à avoir connu ce triste sort est un des saxophonistes les plus importants au monde : Manu Dibango. Carrière de plus de 40 ans, ayant collaboré, entre autres, avec Herbie Hancock, Maceo Parker, Sly & Robbie ou encore Nino Ferrer pour citer un artiste français. Manu Dibango est surtout connu et reconnu à l’international pour avoir popularisé le makossa. Un style propulsé justement par le morceau Soul Makossa. Et si ce titre ne vous dit rien, sachez que vous l’avez forcément déjà entendu, au moins en partie, puisqu’il a été interpolé par Michael Jackson sur le tube Wanna Be Startin’ Something. Puis ce dernier a été samplé par Rihanna avec Don’t Stop the Music. Soul Makossa aura donc servi de base à deux énormes tubes de pop, et n’aura jamais rien rapporté à l’artiste camerounais. Mais si vous êtes amateurs de rap français, vous avez sans doute entendu Manu Dibango, plus d’une fois, sans forcément le savoir. Lors de son décès, de nombreux rappeurs, beatmakers et acteurs du milieu du rap lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux. Et pour cause, Manu Dibango est l’un des saxophonistes qui a le plus travaillé avec des rappeurs français, et ça, dès le début des années 90.
4Keus – MD feat Niska« On va danser le makossa sur du Manu, du Dibango«
S’il y a un artiste mondialement connu qui a collaboré durant toute sa vie avec le rap français, c’est bien Manu Dibango. On peut même dire qu’il a une plus grande longévité dans le rap que de nombreux rappeurs. Dès les années 90, il expliquait sur Rapline son rapprochement avec le rap. Et alors que dans l’hexagone, le rap était décrié et n’émergeait qu’à travers quelques artistes et groupes, il a collaboré avec l’un des groupes importants de l’époque : Les Little. Plus qu’apporter une simple mélodie au saxophone, Manu Dibango leur a donné de la force en participant au clip. D’ailleurs, il semblait vraiment proche du groupe comme on peut le voir dans une autre émission de Rapline.
Ressens le son sort en 1992 et constitue la première grosse collaboration entre le saxophoniste et le rap français. Mais sa première apparition sur notre genre musical remonte à quelques mois auparavant. En 1991, l’un des maxis les plus importants de sa génération est publié par un groupe de Garges-Sarcelles : le Ministère A.M.E.R. Le disque, Traîtres, ne fait que trois titres (et deux instrumentaux), mais le dernier a son importance, puisqu’on entend pour la première fois la voix de Manu Dibango sur un morceau de rap français.
Ce premier titre qui introduit Manu Dibango au rap français a eu son importance plus tard. D’abord, son attachement au Ministère A.M.E.R semble dater d’il y a bien longtemps. David Dancre, dans une interview pour l’abcdrduson parle par exemple d’une émission où on voyait déjà le groupe sarcellois et le saxophoniste ensemble. Leur amitié a dû continuer durant de nombreuses années, puisqu’on peut retrouver Manu Dibango sur le second album du collectif franco-congolais, Bisso Na Bisso, mené justement par Passi du Ministère.
Cette amitié a continué pendant des années, puisque l’artiste camerounais s’est retrouvé sur l’album Ère Afrique de Passi en 2013. Avec une petite dédicace dès le début du morceau, Manu Dibango montre bien, sur Bantou Life, le respect qu’il a pour le rappeur.
Si ce titre se retrouve sur cet album de Passi, il était aussi deux ans auparavant sur l’album de Manu Dibango : Past Present Future. Et si vous doutiez de l’amour de Manu Dibango envers le rap français, la version française de son album vous donnera tort. En plus du titre avec Passi, deux autres rappeurs se retrouvent sur le disque. Lalcko sur son intro, et un autre ancien membre du Secteur Ä : Pit Baccardi sur le morceau Elombe.
Pit Baccardi qui avait lui-même déjà invité Manu Dibango sur son album Juste Moi l’année précédente. La collaboration semblait aussi importante pour les artistes que pour la maison de disques puisqu’un teaser a même été réalisé pour le morceau. Malheureusement, à l’arrivée, aucune trace du saxophone sur ce pourtant long titre appelé Vivre, où l’instrument aurait eu pleinement sa place.
Des collaborations marquantes, il y en a eu d’autres dans le rap français, et pas qu’à travers le Secteur Ä. Proche d’eux tout de même, puisqu’habitant lui aussi à Sarcelles, Driver a lui aussi eu droit à son featuring avec le saxophoniste camerounais. Pour l’occasion ils reprennent le fameux makossa. Driver a d’ailleurs expliqué que, pour ce second album, il savait que la maison de disques et les radios ne joueraient pas ses morceaux alors il en a profité pour inviter qui il voulait.
Loin de Sarcelles, mais toujours parmi les rappeurs des années 90, le groupe (oublié) Squeegee a eu droit aussi à son feat avec Manu Dibango. Venant de Besançon, fait extrêmement rare, surtout à l’époque, le groupe n’a fait qu’un album, n’a eu qu’un tube, mais a quand même pu avoir un titre avec le saxophoniste. Les membres ont d’ailleurs eu l’audace de l’inviter juste pour un interlude instrumental.
Parmi les artistes des années 80-90, Dee Nasty, une légende et pionnier du hip-hop français a lui aussi eu droit à son titre avec Manu Dibango. Seulement il ne l’a pas fait au début de sa carrière, mais bien longtemps après, pour le long morceau Rythm Addict Soul, sorti en 2015 sur l’album Classique.
Durant les années 2010, Manu Dibango ne s’est pas retrouvé que sur l’album d’une légende, il a aussi fait profiter de son talent à la jeune génération. Il a par exemple proposé un excellent solo à la fin du morceau Les garçons ne pleurent pas de Dinos, qui lui donne une dimension et une émotion toute particulière.
Toujours dans les années 2010, sur son second album, Black M l’a invité sur son African Remix de Je suis chez moi. Ce remix porte bien son nom puisqu’il en a aussi profité pour faire chanter Amadou & Mariam.
La même année, ils se sont aussi retrouvés pour un « hymne de la francophonie » pour les Jeux Olympiques de Rio de 2016, avec Christophe Willem et Inna Modja. Un virage pop clairement marqué. Avec de tels artistes, on pourrait s’attendre à un véritable tube, et pourtant, le morceau culmine à moins de 8000 vues sur Youtube…
Mais dans le genre proche du rap sans être rappeur, un autre artiste français a eu sa collaboration avec le maître du makossa. Tayc, signé chez un autre membre de la Sexion D’assaut, Barack Adama, a lui aussi convié Manu Dibango pour son titre Ewondo ou Bami.
À noter que Tayc samplera aussi le Soul Makossa l’année suivante sur le titre Sur Moi, qu’on peut entendre en fond si on tend l’oreille. Le sample, pratique essentielle du rap, aura assez épargné Manu Dibango en France. En revanche, l’un des principaux rappeurs belges des années 90-2000 aura samplé de manière absolument pas dissimulée Afro Soul de Manu Dibango. Une idée brillante, qui fera de l’excellent morceau de Baloji, Ceci ne vous rendra pas le Congo sans doute son plus grand « tube« .
La contribution de Manu Dibango à la musique et à la France est colossale. Il fait partie de ces rares artistes internationaux à avoir réellement donnés de son temps et de son talent pour le rap français. Il nous aura fait profiter de son saxophone pendant des décennies à travers de nombreux titres. Sans doute qu’on l’entendra encore à l’avenir au travers de quelques samples. Quoiqu’il en soit, sa musique restera parmi celles des légendes.
Parmi d’autres légendes, Miles Davis, Bob Marley ou encore les Beatles ont eux aussi, contribué à leur manière, au rap français.
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Manu Dibango - Soul Makossa
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4Keus - MD feat Niska
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Les Little - Ressens le son feat Manu Dibango
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Ministère A.M.E.R. - Le droit chemin
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Bisso Na Bisso - Endetté feat Manu Dibango
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Passi - Bantou Life feat Manu Dibango
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Manu Dibango - Manu Dibango feat Lalcko
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Manu Dibango - Elolombe feat Pit Baccardi
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Driver - Les lions indomptables feat Manu Dibango
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Squeegee - Sexy Groove feat Manu Dibango
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Dee Nasty - Rythm Addict Soul feat Manu Dibango
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Dinos - Les garçons ne pleurent pas feat Manu Dibango
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Black M - Je suis chez moi (African Remix) feat Manu Dibango & Amadou & Mariam
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Black M, Christophe Willem & Inna Modja - Tu sais feat Manu Dibango
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Tayc - Ewondo ou Bami feat Manu Dibango
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Tayc - Sur moi
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Baloji - Tout ceci ne vous rendra pas le congo