Saint Seiya, les mélodies de Seiji Yokoyama

À la fin des années 80, une émission avait le monopole des jeunes spectateurs de la télévision, le Club Dorothée. Derrière leurs écrans cathodiques, les enfants, partout en France, découvraient entre autre, les joies de l’animation japonaise. Goldorak, Ken le Survivant, Dragon Ball et évidemment Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque en France). La plupart de ces séries auront marqué toute une génération, en particulier des rappeurs comme Kamini comme il nous le confiait dans son interview. Parmi tous ces programmes, certains auront eu un impact plus important que d’autres. Diffusant des messages limpides comme le courage, le respect d’autrui et l’amitié, Saint Seiya fut un de ces incontournables. Les références à la série et ses personnages sont nombreuses, mais feront l’objet d’un autre article. En revanche, un des soins apportés à l’animé fut la présence de nombreux thèmes musicaux notables, composés par Seiji Yokokama, qui auront eux aussi inspiré le rap français à plusieurs reprises.

Avant toute chose, parce qu’il évident que vous vous êtes posé la question, non, le célèbre générique n’a a priori pas été samplé dans le rap francophone, sûrement parce qu’il aurait été bien trop évident. En revanche, il a été très important pour la série car il lui a donné immédiatement une reconnaissance dans le monde entier. (hormis en France, où le public avait droit, comme pour d’autres animés, à une chanson de Bernard Minet…)

Mais le générique original n’a pas comme seule utilité de rassembler les spectateurs et les faire chanter avec ferveur. Il sert aussi de base musicale pour quelques extraits qu’on retrouve directement dans les épisodes. En fait, comme pour de nombreuses autres œuvres télévisuelles, Seiji Yokoyama va se servir du thème du générique pour le réemployer de manière bien différente. L’objectif est de rappeler l’identité de la série mais de ne pas faire passer les mêmes émotions au spectateur. C’est comme ça par exemple qu’on pourra entendre ce doux passage dans Pegasus RyuSeiKen.

Un titre qui, dans cet extrait, est donc relativement apaisé, avec la voix de la chanteuse qui reprend la mélodie du générique. Le genre d’extrait idéal pour faire un morceau fleuve. Le genre idéal en tout cas pour Guizmo, qui livrera un de ses premiers classiques, C’est Tout.

Le producteur derrière ce sample se nomme Igoom. S’il a réalisé plusieurs morceaux du rappeur parisien, dont d’autres importants, il aura surtout réitéré ses choix de samples. Les musiques sont nombreuses dans Saint Seiya, et quand il a fallut, comme à son habitude, que Guizmo se livre sur un morceau fleuve dans l’album Amicalement Vôtre, utiliser un extrait de la série semblait évident.

Véritable ADN de Guizmo, les longs morceaux sont souvent attendus quand il dévoile de nouveaux disques. Les textes sont évidemment importants, mais ce qui marque parfois, ce sont les productions. En 2020, bien que ce ne soit plus Igoom mais SiMs & 2VLB qui soient aux machines, la base musicale n’a pas changée, et on retrouve encore une fois un sample de Saint Seiya.

Heureusement pour les autres rappeurs de l’hexagone, les producteurs de Guizmo ne sont pas les seuls à s’être plongé dans la recherche de sons des Chevaliers du Zodiaque. Toujours dans cette recherche de mélodies apaisantes, il y a en particulier un extrait de l’animé qui a intéressé les artistes, le Requiem de Mime.

Quoi de mieux d’abord, pour utiliser un sample pareil, que de faire référence directement aux Chevaliers du Zodiaque dans le titre et les paroles de son morceau ?

La démarche semble évidente, et le sample n’a donc pas été choisi pour rien. En revanche, consciemment ou non, le rappeur de Sète a repris le même sample qu’une de ses amies rappeuses, qui l’avait utilisé dix ans avant lui

Relativement plus étonnant, alors qu’il était en pleine explosion, c’est Vald qui eu droit, lui aussi, à un sample du Requiem de Mime, toujours aussi perceptible dès les premières notes.

Bien qu’elle ne soit pas tout à fait utilisée de la même manière, la mélodie est reconnaissable sur les trois morceaux. Les sujets eux par contre, sont bien différents et prouvent qu’un même extrait peu inspirer chaque rappeur à sa manière.
Les morceaux tristes sont encore nombreux dans la série. Ayant droit à son lot de passages larmoyants, les violons et pianos sont souvent présents et auront permis à d’autres rappeurs de s’exprimer. D’abord Kamnouze, l’un des membres du groupe Facteur X, qui aura donné suite à l’un de ces titres les plus célèbre, J’accuse Ces Mots, en rappant sur une boucle de piano du manga.

Viennent alors des violons en complément pour le rappeur lyonnais Casus Belli, qui aura lui aussi mis sa voix sur un extrait de la série à l’aspect dramatique.

Enfin, toujours dans ce registre touchant, à leur grande époque, le célèbre groupe du 93, Tandem, avait pu rapper sur une mélodie lancinante de Seiji Yokoyama.

Heureusement, Saint Seiya n’est pas un animé composé uniquement de passages destinés à faire verser des larmes. En plus de ses côtés émouvants, la série a des passages où sont convoquées bien d’autres émotions. Comme de nombreux autres mangas de ce style, la trame principale est basée sur une série de combats opposants les héros aux méchants. Il faut alors que la musique soit adaptée, et qu’elle transmette toute l’énergie de la scène au spectateur. C’est par exemple le but de l’extrait Revenger Phoenix.

Les chevaliers de bronze, les héros de l’histoire, sont en équipe, prêt à tout pour sauver l’humanité et Athéna. La Mafia K’1 Fry, elle, est une équipe prête à tout pour plier une prod.

Toujours en lien avec ces combats, certains extraits de la série sont employés dans le but de faire ressentir le doute, la crainte.

C’est aussi finalement ce que peuvent faire ressentir les cinq rappeurs posant sur ce sample.

Le dernier ingrédient essentiel, dont les chevaliers et les spectateurs ont particulièrement besoin, c’est une détermination sans faille pour combattre leurs ennemis (ou terminer leur épisode). Pour ça, la famille d’instrument idéale reste sans appel : les cuivres. C’est donc comme ça qu’en seulement quelques secondes, le titre de Freeman, comme l’extrait dont il se sert, appellent à se dépasser.

L’impact qu’a pu avoir Saint Seiya dans la culture est colossal. La série aura infiltré toutes les couches du rap français, en passant même par la case clip. La prod d’Ils Sont Cools ne sample pas Les Chevaliers du Zodiaque. En revanche les paroles et surtout Orelsan et Gringe dans le clip, eux, y font référence, incarnant respectivement Seiya et Shiryu.

Gagnant ses lettres de noblesse très rapidement, Saint Seiya est devenu un symbole marquant pour toute une génération. Avec le temps, la série aura perdu de sa superbe, mais aura quand même pu toucher des spectateurs pendant de nombreuses années. Loin d’inspirer seulement les rappeurs, les beatmakers auront pu piocher dans tous les registres musicaux de la série pour leurs productions. Nul doute qu’en composant les extraits des Chevaliers du Zodiaque, Seiji Yokoyama n’imaginait pas l’impact qu’auraient ses mélodies.

Si vous aussi, vous avez reconnu un jour un sample de Saint Seiya dans un morceau, n’hésitez pas à nous le dire sur nos réseaux !