David Lynch, entre rêve et réalité
TextesEn octobre 2001 sortait, dans les salles américaines, le dernier grand film important de David Lynch. Après avoir marqué le monde entier avec des productions déstabilisantes et singulières, il a planté le clou de son œuvre avec Mulholland Drive. Pour les 20 ans du long métrage, retour sur ce réalisateur et ses films qui ont inspiré le rap français.
Réalisateur à la filmographie atypique, en plus de 40 ans, David Lynch a construit une carrière parsemée de classiques. C’est que, dès son premier long-métrage, Eraserhead, il a marqué les esprits de ses spectateurs avec des thèmes et une réalisation bien particulière. Sa filmographie n’a eu de cesse de consterner, étonner, subjuguer le public. Réalisant des œuvres qui oscillent entre monstruosité et onirisme. Les productions de David Lynch (au moins certaines) sont l’incarnation parfaite de l’idée qu’un film peut plaire, transmettre des émotions, sans que son propos soit clairement identifié. Il joue avec le spectateur, sans avoir peur de le perdre complètement. De l’étrangeté de Twin Peaks, à la monstruosité et tristesse d’Elephant Man, en passant par le flou de Lost Highway ou Mulholland Drive, David Lynch a su continuellement fasciner ses spectateurs, et même les rappeurs.
« J’suis avec David Lynch, j’bois une bière au Fouquet’s«
Eden Dillinger – Olaf
Sans grande surprise, en tant que réalisateur important, il a été cité quelques fois dans le rap. Avant même ses œuvres, c’est son nom qu’on a pu entendre au milieu des années 90 sur La vie est une autre de La Brigade. En tant que cinéaste, ce sont d’ailleurs généralement des références spécialement portées sur le 7e art qui lui sont associées. La Brigade parle ainsi du nombre d’entrées de ses films, et Mystik, de la réalisation de clips.
Mais qui dit réalisateur, dit œuvres, et les rappeurs parlent essentiellement donc de ses films. Parmi eux, le plus cité dans le rap français, et sans doute l’un des plus faciles d’accès de sa filmographie, est Elephant Man.
Bien que ce soit l’un des longs-métrages les plus sobrement réalisés par David Lynch, Elephant Man reste un film au récit singulier. Basé sur une histoire vraie, on suit la vie d’un homme aux malformations relativement handicapantes pour de nombreuses raisons assez évidentes. L’aspect monstrueux du personnage a tendance à repousser les gens. De quoi alimenter quelques punchlines.
« Gollum, Sinok, Elephant Man sont trois d’mes sobriquets »
Hippocampe Fou – Le dindon
« Si le mensonge est élégant, la vérité est-elle essentielle ? // Enfermée dans une tour d’Ivoire car elle a la gueule d’Elephant Man »
2zer – Formatage erroné
« Frappe les crânes si fort qu’Igor en verse une larme // Qu’à la vue du résultat, Elephant Man frisonne«
Deadi – Fou
« Ma tahchemch ? On t’embarque et t’es vu comme Elephant Man »
Les 10′ – Tu crois qu’on sait rien foutre feat Lino
Vous l’aurez compris juste à l’image au-dessus, et avec ces quelques vers, vivre avec une telle maladie engendre des problèmes dans les relations sociales. Intrinsèquement, le moral a tendance à être aussi impacté, comme le fait remarquer Django.
Cette monstruosité physique empêche de montrer ses « putain de valeurs » comme le souligne Nekfeu. Alors en plus du social, d’après L’AB2C d’Opak, difficile de construire des relations amoureuses. À l’inverse d’ailleurs, pour certains rappeurs, s’assimiler à Elephant Man est un atout pour plaire à la gente féminine, mais sans doute pour des raisons différentes que la malformation du visage.
« Tu joues les beaux gosses et les meufs t’appellent Elephant Man »
Opak – Tu m’impressionnes pas feat Wira & Aïckone
« Elles m’appellent « l’homme éléphant » mais pas en référence à John Merrick »
Seth Gueko – Rubrique Nécro feat Lino
« Je suis l’élégant homme-éléphant accompagné de femmes-girafes »
Hyacinthe & L.O.A.S – Mektoub
Si la plupart des rappeurs l’appellent Elephant Man, heureusement, comme Seth Gueko, d’autres le respectent un peu plus en le nommant John Merrick. Même si au fond, qu’on le cite par son nom ou son surnom, les punchlines restent assez similaires en terme de sens.
Elephant Man, fait partie des films importants de David Lynch, mais il n’a pas fait que ça. Il a aussi et surtout produit des œuvres aux ambiances mystiques.
« Avec une vie plus fucktop qu’la fin d’un film de David Lynch »
LBL – DGK feat Deso
Dans ce genre, le premier au succès colossale se nomme Blue Velvet. Et il a justement inspiré un morceau complet de Columbine.
Le film possède une narration assez linéaire. Cependant, avec ses personnages aux comportements étranges et l’interprétation des acteurs, il règne une atmosphère pesante. Si on ajoute à ça les thématiques plutôt dérangeantes, on comprend aisément pourquoi les rappeurs semblent si unanimes sur le côté mystique du film. Mention spéciale pour Swift Guad qui associe l’intrigue du long-métrage et ses sujets traités en l’espace d’une ligne.
« L’ambiance est mystique comme dans Blue Velvet »
Hifi – J’anticipe
« Embarrassé depuis Blue Velvet »
Django – OBS feat Black Jack OBS
« Mon son te martyrise l’oreille, la vie c’est Blue Velvet »
Swift Guad – Musique Classique
De Blue Velvet émane quelque chose de lourd et embarrassant, mais il reste compréhensible. En revanche, il prédit les contours de deux autres grosses productions de David Lynch. Parmi ses films les plus instables scénaristiquement, à la fin des années 90, il y a d’abord Lost Highway.
Cette « route perdue » fait un lien avec son prochain film, Mullholand Drive qui commence justement sur une route. Mais surtout, ce côté perdu est à l’image du spectateur qui perd ses repères à mesure que les minutes passent. L’association subtile des deux films de la part d’Hi-Tekk de La Caution est alors plus que pertinente. Autrement Django fait lui aussi référence à Mullholand Drive. Et vous l’aurez compris au fil de cet article, le rappeur semble avoir regardé, sans doute plusieurs fois, l’intégralité de la filmographie de David Lynch.
« Je vogue sur une putain d’autoroute perdue, Proche du style Mullholland Drive »
La Caution – Une épave sur la Route feat Alin Adren
« J’suis matrixé par les putains depuis Mulholland Drive «
Django – Flex
Si ces deux films sont parmi ses œuvres les plus importantes, David Lynch a aussi réalisé une série qui aura marqué des générations entières : Twin Peaks. Une série dont Deadi nous avait déjà parlé dans une interview à travers cet extrait de Faf Larage.
La série est aussi abstraite que certains de ses films. Elle est toujours teintée d’onirisme. C’est sans doute pour ça que les rappeurs en parlent avec un vocabulaire médicamenteux pour Lucio Bukowski et songeur pour Hippocampe Fou (dans une vidéo trouvable uniquement sur Daylimotion).
« Tramadol, etc… j’me refais l’intégrale Twin Peaks // Tellement défoncé qu’le nain m’paraît normal, film X »
Lucio Bukowski & Anton Serra – Svärta feat Eddie Woogie & Hakan
« Laissons-le rêver de la saison deux de Twin Peaks »
Hippocampe Fou – Road Trip de pitre aux U.S.A.
D’ailleurs, si les deux rappeurs parlent de la série en tant que spectateurs, Django (encore lui) fait directement référence à des personnages avec L’agent Cooper et le magnétophone.
Autrement, plus compliqué de savoir si les références sont au livre ou à l’adaptation de Lynch, mais certains rappeurs évoquent Dune dans leurs morceaux.
« Quand ma voix se libère c’est pour faire taire le mal comme Muad’Dib dans Dune »
Ali – Sang froid feat Kedj & Wallen
Dune a inspiré des rappeurs à des niveaux bien différents, avec parfois des titres directement issus de l’univers du récit. Même si, le livre les a sans doute inspiré, en ce qui concerne Arm, la première rencontre avec cette œuvre s’est à priori faite par le film, comme il nous l’indiquait dans notre interview.
Arm évoque alors ici L’épice, une drogue importante de l’univers de Dune. Et en ce qui concerne VII ce sont de nombreuses références qui parsèment le morceau Gom Jabbar, nom d’un autre concept de l’œuvre.
Pour finir, David Lynch étant lui-même musicien, ses films ont souvent des bandes originales importantes. Et certains thèmes ont été samplés, comme par exemple celle de Twin Peaks par Odezenne pour leur tube Je veux te baiser.
Du début des années 80 avec ses premiers films, jusqu’aujourd’hui avec la dernière saison de Twin Peaks, David Lynch a toujours proposé un cinéma difforme, singulier, teinté d’onirisme. Ses productions ne sont pas forcément là pour raconter des choses, mais plutôt pour provoquer des émotions à ses spectateurs. S’il n’a pas sorti de film depuis près de 15 ans, ses œuvres passées sont déjà assez classiques pour inspirer encore de nombreux rappeurs.
En terme de classiques du cinéma, vous pouvez toujours allez voir nos articles sur Les Affranchis, Snatch ou encore Shining.
-
Eden Dillinger - Olaf
-
La Brigade - La vie est une
-
Mystik - L'art de la couleur feat Despo Rutti
-
Hippocampe Fou - Le dindon
-
2zer - Formatage erroné
-
Deadi - Fou
-
Les 10' - Tu crois qu'on sait rien foutre feat Lino
-
Django - Fantôme
-
Nekfeu - Humanoïde
-
Opak - Tu m'impressionnes pas feat Wira & Aïckone
-
Seth Gueko - Rubrique Nécro feat Lino
-
Hyacinthe & L.O.A.S - Mektoub
-
VII & Littledemo - J'irai pisser sur ton cadavre
-
Lucio Bukowski - Décalage vers le rouge
-
LBL - DGK feat Deso
-
Columbine - Blue Velvet
-
Hifi - J'anticipe
-
Django - OBS feat Black Jack OBS
-
Swift Guad - Musique Classique
-
La Caution - Une épave sur la route feat Alin Adren
-
Django - Flex
-
Faf Larage - La Cavale
-
Lucio Bukowski & Anton Serra - Svärta feat Eddie Woogie & Hakan
-
Hippocampe Fou - Road Trip de pitre aux U.S.A.
-
Django - Oiseaux
-
Django - Fable
-
Ali - Sang froid feat Kedj & Wallen
-
Arm - L’épice
-
VII - Gom Jabbar
-
Odezenne - Je veux te baiser
-
Angelo Badalamenti - Twin Peaks Theme