Rocky, la boxe et le rap

Avant même d’être un film sur la boxe, Rocky, c’est surtout un reflet de la vie de Sylvester Stallone. Un acteur qui ne décollait pas, et qui a tenté le tout pour le tout en proposant son propre scénario à des producteurs. Résultat, énorme succès au box-office, trois Oscars, et une série de films qui a continué pendant des décennies. À l’image de sa vie, et même parfois du cinéma, chaque épisode raconte une époque. Loin d’être le film manichéen de boxe auquel l’imaginaire collectif peut faire penser (surtout dû aux 3e et 4e opus), Rocky, c’est avant tout un drame qui raconte la vie d’un homme déterminé à réussir. C’est une représentation du rêve américain et de ce que la motivation (et un peu le destin) peuvent apporter. Quoi de plus rap que l’histoire d’un homme qui continue de se relever malgré l’adversité ? Quoi de plus rap que l’histoire d’un homme qui veut prouver à la Terre entière, et à lui-même qu’il est le meilleur ? Et surtout quoi de plus rap qu’un homme qui épisode après épisode, ne cesse de clamer qu’il va prendre sa retraite, puis change d’avis devant la concurrence ou devant son manque d’argent ? L’œuvre la plus culte d’un des acteurs les plus célèbres des années 80-90 avait bien tous les ingrédients nécessaires pour se retrouver dans les lignes de certains rappeurs.

Bien avant que des rappeurs français soient invités à participer à la B.O. de Creed et Creed III, le rap s’inspirait déjà de Rocky. Avec un pic au box-office dans les années 80, donc durant la jeunesse de nombreux rappeurs des premières générations, et surtout avec son statut de film culte, citer Rocky peut se faire sans même avoir besoin de regarder un des opus. Et forcément, pour une œuvre traitant de boxe, en tout cas connue pour ça, les références à la boxe sont les premières qui viennent en tête.

Là où de nombreux rappeurs vont parler du ring de manière plus ou moins métaphorique mais assez évidentes, d’autres vont faire des jeux de mots plus ou moins bien sentis. On a par exemple Weedy d’Expression Direkt qui se permet de placer le mot étalon, comme le surnom de Rocky, sur une phase bien sexuelle. Et une référence plutôt rap de la part de Simony qui boxe avec les mots en hommage évident au morceau d’Ärsenik.

Le principe de la boxe c’est bien évidemment de se battre, avec ses poings. Les références à Rocky ont donc aussi tendance à se faire par tous les synonymes possibles, de la patate, aux coups de poings en passant par les frappes et toute autre sorte de manière de parler des « missiles à hématomes » de Stallone.

Si vous avez regardé ne serait ce qu’un seul épisode de Rocky, voire même, si vous êtes un temps soi peu passionné de pop culture, vous savez qu’une des scènes mythiques de chacun des films, c’est l’entraînement de Rocky. Un passage en particulier, ayant permis à Philadelphie d’avoir les marches les plus célèbres du monde, c’est la scène mythique des escaliers.

Parce qu’une des principales qualités de Rocky pendant ses combats, c’est son endurance. Alors pour ça, on le voit très souvent travailler son cardio durant ses entraînements, notamment en courant à travers tout Philadelphie.

La scène est devenue tellement culte que les habitants de la ville finissent par confondre totalement Sylvester Stallone avec Rocky. Mais dans la saga elle-même, le héros, devenu une icône à partir du premier film et du premier combat, fini par être connu de toute la métropole. Sur certains épisodes, on le voit même courir avec les habitants.

Seulement, pour boxer, pour bien boxer, la préparation essentielle, c’est quand même de se battre. Et Rocky a sa méthode à lui pour s’entraîner. Médiatisée même dans le film tant la manière est peu conventionnelle : il tape dans de la viande dans une chambre froide où travaille son ami Paulie.

La phase d’Orelsan sur le morceau de Nessbeal est bien à l’image du début de sa carrière. D’ailleurs, si on peut aujourd’hui trouver cette phase problématique, certains passages de Rocky en ce qui concerne les femmes, et en particulier la femme principale du film auraient aussi du mal à se fondre dans notre époque. Entre les moments, entre autres, où Rocky dit à sa femme qu’il va la violer (en rigolant, mais quand même), et le début de l’histoire où on romantise sa manière de la draguer en l’enfermant chez lui et en l’embrassant sans qu’elle ne l’ait accepté, c’est plus que limite. Le prétexte selon lequel elle est timide et la manière dont est elle représentée après, sans ses lunettes, moins renfermée sur elle-même, comme si Rocky l’avait libéré de sa timidité reste d’ailleurs là aussi équivoque. Pourtant, la sœur de Paulie, Adrian, reste le second personnage le plus important après Rocky, et la relation entre les deux est montrée comme un amour puissant et sincère. Un amour qui n’a évidemment pas laissé indifférent les rappeurs.

Plus qu’un personnage principal, Adrian, c’est aussi l’un des moteurs de Rocky qui lui permet de monter sur le ring et de vaincre ses adversaires. Parce que l’entraînement seul ne suffirait pas à faire tomber les plus grands combattants, l’étalon italien a d’autres ingrédients essentiels pour s’en sortir. L’un d’entre eux qu’on cite rarement, mais que Veerus a bien remarqué, c’est la croyance de Rocky qui « prie le Seigneur« .

L’autre ingrédient primordial, c’est sa détermination. Ce qui compte le plus, ce n’est pas la durée et l’intensité de ses entraînements, mais bien sa capacité à croire en lui, et à se prendre des coups sans fin pendant 15 rounds durant les combats, sans tomber, avec la certitude qu’il va finir par gagner.

Entrainements et combat, une base qui revient presque à chaque épisode, mais pourquoi en faire 6 si la recette reste toujours la même ? Et bien à vrai dire, les trames scénaristiques ont chacune leur particularité, les manières de filmer diffèrent à travers les époques, et surtout, chaque film ou presque possède ses protagonistes et antagonistes principaux.

Toute la détermination que peut avoir Rocky, elle ne vient pas de nulle part, elle est forcément destinée à une personne, un ennemi. Et le premier d’entre eux, le plus important de tous, présent en tant que concurrent sur les deux premiers épisodes, c’est Apollo Creed.

Apollo Creed, c’est le champion en titre du premier opus de Rocky. Businessman en plus de boxeur, Apollo décide, suite à un manque de concurrent, de donner sa chance à un athlète débutant de Philadelphie de le battre sur un ring. Le principe même du rêve américain, et en quelque sorte, la métaphore parfaite des producteurs qui ont bien voulu du scénario du film. Tout comme Rocky, la plupart des références à Apollo faites par des rappeurs sont autour de l’univers du combat. Donc encore une fois, on a le droit à une panoplie de mots issus du champ lexical de la bagarre.

Apollo, c’est aussi un fervent représentant de l’Amérique. Notamment dans le 4e opus, où on le revoit, se battre contre l’antagoniste du film, en tant que défenseur de son pays, de manière grandiloquente, face à un adversaire venant de l’URSS, en pleine période de guerre froide. Mais ce côté pleinement patriote, en plus du fameux « rêve américain« , il est présent dès le départ dans le personnage part un symbole fort : son short aux couleurs du drapeau des USA. Short qui, mine de rien, devient un élément important au fil des épisodes.

Vous l’aurez compris, Apollo Creed est un personnage plus qu’important dans l’univers de Rocky. D’abord rival de Stallone dans les deux premiers épisodes, il devient un personnage récurent dans les épisodes suivant, au point même que le spin-off, Creed, se fasse sur son fils. Mais la série ne pouvait pas tourner qu’autour de la rivalité entre les deux personnages, alors le scénario a fini par changer dans Rocky 3.

(Spoiler Alert) Après deux combats entre Apollo et Rocky, dont une victoire par ce dernier à la fin du second film, la rivalité qui existait finit par disparaître. Alors que Creed aurait pu être simplement retiré du scénario, il est au contraire cette fois plus que présent, puisque très rapidement, il va devenir le coach personnel de Rocky. Suite au décès tragique de son entraîneur initial, il est pris sous son aile par son ancien rival.

Mais l’entraînement en lui-même semble presque accessoire. Apollo ne cesse de répéter quelques mots à Rocky, presque en guise de mantra : « L’œil du tigre, mec« . Une expression sur-utilisée pendant toute la durée du long-métrage. Sous-titre du film, présent dans la B.O. avec le titre de Survivor qui deviendra un classique ultime de la musique. Ces quelques mots ont pour signification : « il faut que tu en aies, comme lors de nos premiers combats, que tu y crois comme jamais tu n’y as cru« , en somme, encore un discours de motivation.

Une rime qui revient avec l’œil du tigre de Rocky, plus qu’avec les autres rimes sur Rocky, c’est Rocco. Sans doute parce que Booba est passé par là sur un des classiques de son premier album. Il y a par exemple la phase de Derka de LTF sur Kyubi qui y fait clairement référence. Et sans doute que Soprano aussi y avait pensé lors de l’écriture d’Halloween.

Cet œil du tigre dont parle Apollo, Rocky en a besoin car il s’est embourgeoisé. Il ne fait malheureusement plus le poids face à un adversaire de taille : le grand méchant : Clubber Lang, interprété par Mister T. Très clairement caricaturé pour que le public le déteste, Clubber Lang est l’antagoniste parfait. Il est arrogant, violent, ne cesse de clamer qu’il est le meilleur (et le prouve quand même au premier combat). Un personnage qu’il est extrêmement difficile d’apprécier, au point que ce soit presque étonnant que Médine le « tolère« .

Comme je vous le disais, Apollo est encore important notamment à travers Rocky 4.

(Spoiler Alert) Dès le début du film apparaît un nouveau challenger, et Apollo Creed veut absolument se mesurer à lui. Malheureusement, il est bien trop puissant pour lui, et il finit par se faire tuer sur le ring. Une mort tragique qui n’a pas laissé indifférent les rappeurs. Mention spéciale à Nakk qui multiplie les clins d’œil subtils avec des phrases sorties tout droit du film comme le « s’il meurt, il meurt » ou le « jetez l’éponge« 

Suite à ce combat tragique, Rocky reprend les gants et décide lui aussi de combattre ce nouvel adversaire. Le film reprend alors la même trame scénaristique qu’à l’accoutumé. Mort tragique, remise en question, entraînement, combat. Seulement cette fois, il s’agit d’un adversaire soviétique (film sorti en pleine guerre froide), et son entraînement se fait alors dans le froid de la Russie.

Comme pour chacun des épisodes, le film se termine avec le combat tant attendu. Cette fois, c’est Rocky VS Ivan Drago. Peut-être encore plus que dans le troisième opus, où Clubber Lang semblait tout de même doté d’émotions, il est quasi impossible de s’attacher à l’antagoniste tant il n’est là que pour combattre et n’est presque qu’une arme de l’URSS. Mais il y a Gak qui a quand même réussi à se comparer à lui par le biais du dopage.

Voilà, les épisodes d’après, notamment le 5 ont tendance à être moins appréciés parmi les fans de Rocky, pourtant ils explorent d’autres facettes très intéressantes des personnages. Le 6, lui, reprend une trame scénaristique proche des premiers. Mais pour l’un comme pour l’autre, les antagonistes principaux n’ont pas été spécialement cités dans le rap français. En revanche, un procédé que les rappeurs adorent, c’est mettre l’extrait d’un film en intro ou outro d’un morceau. Sur le coup, le plus utilisé de la saga est sans doute Rocky Balboa (le 6e épisode donc), avec une citation, qui, à priori, a inspiré de nombreux rappeurs. On la retrouve chez Sinik, LIM, B-Lel, Demi Portion, Davodka ou bien très récemment sur un titre de F430, et si vous voulez la voir directement, la voici.

Des citations des films on pouvait en retrouver auparavant chez Ol’Kainry sur le morceau intitulé justement Clubber Lang, avec notamment la réplique “Pronostic ? Une boucherie”. Une phrase qu’on peut aussi retrouver sur le titre… Clubber Lang Music de Akhenaton et Faf Larage.

Autrement, si Rocky a été cité de nombreuses fois, et qu’il y a même des extraits des films dans certains morceaux, un dernier aspect non-négligeable a nourri certains morceaux de rap français. En plus du fameux « Eye of the Tiger« , la B.O. de Rocky, composée par Bill Conti est devenu totalement iconique. Le thème principal, surtout utilisé lors des entraînement est devenu un hymne à la détermination dans le monde entier. On le retrouve samplé dans le rap français, par exemple sur les titres « L’œil du tigre » d’Unité 2 Feu et de Rohff & Lino. Mais Bill Conti lui-même mériterait un article sur ses œuvres samplés.

Rocky a marqué des générations. Des hommages au film et à la saga il en existe des dizaines. Lost au Québec en a par exemple fait un morceau entier qui s’appelle Rocky Balboa. Alors sans aucun doute, le film et ses suites resteront cultes et continueront d’inspirer de nombreux rappeurs. Peut-être même que, le spin-off, Creed, finira lui aussi par être une référence. Les premiers clins d’œil commencent à se faire et se multiplieront sans doute au fil des années.