Street Fighter, la légende du versus

Début des années 90, les jeux vidéo arrivent à leur âge d’or. La Megadrive de Sega s’étend dans le monde entier, et la Super Nes de Nintendo s’exporte lentement, mais sûrement, accompagnée de jeux qui auront une renommée planétaire. Les salles d’arcades ne sont pas mortes et possèdent encore des jeux particulièrement attractifs. C’est dans cette effervescence, qu’en 1991, la suite d’un jeu prend une ampleur démesurée. Huit personnages jouables et tous bien distincts, un gameplay soigné, des musiques devenues cultes, Street Fighter 2 avait tout pour être la légende qu’il a fini par devenir. L’épisode en question s’est écoulé à des millions d’exemplaires sur consoles, possédant de nombreuses suites et nouveaux personnages. Il est, au même titre que le 4 ou le 5, encore joué en tournoi, et aura gardé une aura quasi-similaire trente ans plus tard. Pas étonnant qu’avec un impact pareil, Street Fighter soit l’un des principaux jeux de combat cité dans le rap français.

Street Fighter, c’est donc devenu un incontournable. Il a même eu le luxe de redéfinir les bases des jeux de combats, et a permis à de nombreuses séries par la suite de se calquer sur ses fondations. Dans la plupart des cas, quand une personne pense « jeu de combat » elle pense à Street Fighter. Évidemment l’univers du hip hop n’est pas en reste puisqu’il y a même deux rappeurs qui auront pris le nom du jeu pour un de leur titre : Guizmo, et un feat de Demon One avec Alkpote et Dawa o mic.

En dehors des titres, les rappeurs ont évidemment fait référence à la série de nombreuses fois dans leurs textes. Preuve qu’il a dû le poncer pendant un moment, comme d’autres jeux de combat, Kekra par exemple en parle régulièrement dans ses couplets.

Quelle que soit l’époque, ou le style de l’artiste, le jeu est facilement cité sans perdre une seconde l’auditeur, le nom étant devenu totalement courant. Qu’ils soient à l’opposé dans leurs musiques ou dans leurs textes, des rappeurs comme Rochdi, Grems ou JuL n’ont pas hésité à glisser le nom du jeu dans leurs lignes, et pour chaque passage le sens est évident.

À chaque apparition, le nom évoque soit l’agressivité, soit directement le jeu. Mais comme la plupart des objets culturels, ce qui en ressort peut sembler bon ou mauvais. Vicelow par exemple, aura plutôt tendance à dire que le jeu banalise la violence, alors que Katana, au contraire, témoigne du pouvoir canalisateur du jeu.

Évidemment, comme pour n’importe quel produit culturel, si l’œuvre en elle-même peut être citée, c’est souvent ce qui s’y trouve qui reviendra dans les clins d’œil potentiels. Ce qui compte, ce n’est donc pas nécessairement le jeu mais son contenu. Si vous vous demandez par exemple qui sont les personnages de Street Fighter, le rap français s’est fait une joie de vous présenter chacun des personnages importants. La liste ne pourrait être exhaustive au vu du nombre de protagonistes parus dans les différents épisodes. Limitons nous donc aux essentiels, notamment ceux présents dans le roster de Street Fighter 2.
Le principal combattant du jeu, que l’on incarnait déjà dans le premier opus, c’est évidemment le classique Ryu.

Les références au personnage seul sont assez peu fréquentes. Il faut en revanche noter la ligne très imagée de la part de PNL sur Shenmue, qui symbolise peut-être « la blanche », donc la cocaïne, rapport au kimono de Ryu. « J’vends la Ryu été comme hiver« 

En revanche, quiconque ayant déjà joué au jeu le sait très bien, Ryu a un rival. Cheveux longs et blonds, kimono rouge, seule sa manière de combattre est proche du protagoniste principal. Une opposition quasi fraternelle à la manière d’un Sangoku/Végéta, qui les unit et les éloigne. Ken et Ryu, c’est donc un combo facilement utilisable. Hormis la référence très connue de Nekfeu sur Martin Eden, où il commence son morceau en disant « C’est le retour de Ken Masters« , les combattants sont donc plutôt cités en duo. Les rimes seront donc souvent autour d’une opposition.

Il y aussi, sans grande surprise, l’expression « j’te ken » qui a été utilisé de nombreuses fois en y intégrant Ryu, pour pouvoir faire référence directement aux deux combattants. Mention spéciale pour Fababy qui se permettra le jeu de mot dans trois de ses morceaux.

Au-delà d’avoir un kimono et une musculature relativement semblable, les deux protagonistes ont aussi un type d’art martial similaire, et surtout une attaque en commun, devenue culte elle aussi, le « Hadôken« . Là encore elle est utilisée par de nombreux rappeurs, mais aussi, et surtout, elle sert de tag à un duo de producteurs nommés justement Ken & Ryu, qui étaient dernièrement présents, notamment, sur les disques de Lacrim ou Dinos. L’attaque en question est une boule de feu, les interprétations ont donc pu être assez libres dans la bouche des rappeurs.

Ryu & Ken ont aussi une autre attaque en commun, le Shoryuken, moins utilisée mais tout de même présente dans des morceaux de Shurik’n, Veust ou encore citée par Dinos dans le remix d’un titre de Dosseh.

Lors de la sortie du second épisode de Street Fighter, les personnages étaient au nombre de huit. Ken et Ryu en font partie, évidemment, mais pour compléter le roster, les autres combattants sont tous radicalement différents. Il ont eu droit chacun à leurs citations. Certains ont très peu d’occurrences, comme Chun-Li, Zangief, Honda ou encore Guile (bien que son attaque « Sonic Boom » soit employée plusieurs fois par Kekra).

Il reste alors deux personnages, bien particuliers, et surtout bien plus cités par les rappeurs francophones. Le premier, tout le monde le connaît par l’énorme morceau qui porte son nom, encore une fois par PNL : Blanka.

Là aussi, de nombreux rappeurs différents y ont fait référence, de Rohff à Veust en passant par La Fouine. La particularité du personnage, c’est qu’il ressemble à une bête sauvage, sa peau est verte avec une crinière orangée, et surtout, il est capable de produire de l’électricité. À noter qu’une fois encore, le nom du personnage a inspiré un producteur, appelé lui aussi Blanka et faisant partie du groupe de beatmakers La Fine Équipe.

Le dernier personnage jouable de Street Fighter 2, est lui aussi très particulier. Inspiré des bonzes, c’est un indien avec des éléments vestimentaires relativement stéréotypés. Comme Ryu, il peut lancer une boule de feu, mais sa vraie différence avec les autres personnages, c’est de pouvoir étirer ses membres, grâce aux incroyables pouvoirs du yoga. Revient alors une expression, utilisée à n’en plus finir en le citant : « avoir le bras long« . Inutile de mettre toutes les références, sachez tout de même que Niro, Kalash, Captaine Roshi, Kikesa, Eloquence et même Stos, le fils de Seth Gueko, dans leur dernier son sorti le week end dernier, auront utilisé la même expression.

Heureusement, sa capacité d’étirement n’aura pas créé que des punchlines à la chaine, et nombreux ont été les rappeurs à se servir de cette particularité autrement. Si Scylla innove légèrement avec « La longueur de leur bras aurait de quoi rendre Dhalsim autiste« , d’autres pensent à étirer d’autres parties du corps pour des métaphores plus ou moins bien senties…

D’autres en revanche n’atteignent pas la grâce et la subtilité de l’incroyable poésie de Booba et préfèreront parler de la longueur du corps de Dhalsim de manière relativement plus métaphorique.

Enfin, évidemment, le bonze de Street Fighter étant un personnage capable de cracher du feu, il a inspiré certains rappeurs qui ont tendance eux aussi à brûler le micro.

Vous l’avez compris, Street Fighter 2 a fait un carton à son époque. Capcom a même pu inventer le principe des extensions avant leur existence, en proposant au public des “suites” du jeu avec un casting un peu plus conséquent. Sont alors apparus de nouveaux personnages, devenus cultes eux aussi, et étant évidemment cités par les rappeurs. Si vous n’avez jamais entendu parler de Balrog par exemple, les quelques citations suivantes devraient vous indiquer, au moins, sa façon de combattre.

Gagné, Balrog est boxeur, alors en général les punchlines le concernant sont recentrées sur les coups, et à priori, en particulier ceux d’un côté en particulier.

Ne croyez pas que c’est terminé, comme vous avez pu l’entendre sur l’extrait précédent, il y a aussi un personnage qui possède des griffes, Vega. En réalité Veust le citait déjà dans le morceau Jacques Chirac 2.0, au côté Blanka, mais il n’est pas le seul à en avoir parlé, Kaaris et Kekra par exemple, encore eux, n’auront pas manqué de parler de lui.

Autrement, on peut aussi retrouver deux autres personnages, qui n’apporteront pas grand chose en terme de sens aux textes mais qui appuieront aisément les propos des rappeurs. Il y a d’abord Sagat, personnage relativement imposant repris encore par Kaaris ou PNL, mais aussi par Caballero, S.Pri Noir ou encore Gims dans un morceau de Sexion D’assaut.

Et enfin Fei Long, ici non plus, rien de transcendant dans le sens, mais cette fois les artistes changent un peu et sont tous les deux issus du groupe 1995.

Tous ces personnages sont donc jouables, la plupart sont d’ailleurs présents dans les suites du jeu, sur les opus originaux ou sur les extensions. Cependant d’autres combattants furent jouables plus tard, alors qu’ils apparaissaient déjà dans ce second épisode. À une époque ou les boss de fin n’étaient que des boss et ne devenaient jamais utilisables. Il y en a deux en particulier qui auront marqué la série, les joueurs… et évidemment les rappeurs. D’abord celui que Scylla n’avait apparemment aucun mal à battre, M. Bison.

Et puis aussi le mystérieux et puissant Akuma, « combattant le plus fort du monde« , apparaissant même dans le dernier épisode du jeu de combat rival de Street Fighter, Tekken.

Une fois n’est pas coutume, Akuma est un de ces personnages qui a eu droit à un morceau à son nom, interprété cette fois par le groupe Noir Lotus.

Des bornes d’arcades à maintenant, Street Fighter n’a cessé d’être le numéro 1 des jeux de combat. Il a défini toutes les bases de nombreux de ses concurrents. Plaçant les personnages au cœur de la création, les joueurs du monde entier ont pu s’identifier à Ryu, Chun-Li ou Blanka, et ont pu choisir leurs combattants en fonction de leurs préférences. Au vu du nombre d’occurrences de certains rappeurs comme Kaaris ou Alkpote, nul doute qu’eux aussi ont passé des dizaines d’heures sur leur console.

Si vous avez aimé une punchline sur Street Fighter, présente ou non dans l’article, n’hésitez pas à le dire sur nos réseaux ! Comme nous avons pu le voir dans d’autres articles, citer des jeux vidéo dans le rap français, c’est une habitude, de Sonic à Resident Evil, en passant par Pac-Man ou Pokemon.