Le top albums 2023
Vrais Savent2023 vous a déçu en termes de sortis d'albums ? Pas de panique, le top albums de l'année passée est là pour ça ! Parfait pour découvrir ou redécouvrir les disques marquants des 12 derniers mois.
L’année 2023 aura été marquée par une grande déception de la part du public rap. La raison tient en quelques mots : des têtes d’affiche absentes ou qui se renouvellent peu, proposent des albums attendus, et rien qui ne sort du lot. Mais malgré tout, si vous êtes passionnés de rap français, vous avez forcément eu de quoi ravir vos oreilles. Les rappeurs émergents et quelques oldtimers ont sortis parfois leurs meilleurs projets et la fin d’année, en particulier le mois de décembre, a été riche en sorties marquantes. On pourra citer, qui ne seront malheureusement pas dans le top, mais qui ont marqué l’année par la qualité de leurs disques : les projets de Remy avec Le fils de la gardienne, Jolagreen23 avec RECHERCHE & DESTRUCTION, Simony avec ORIGINES : Euphoria, Georgio avec Années Sauvages, Guy2Bezbar avec AMBITION, Caballero & JeanJass avec High et Fines Herbes Volume 2 ou encore The Free avec Filaments Bleus.
Mais si vous n’avez rien trouvé à votre goût en 2023, pas de panique, le top à venir est là pour ça.
Comme chaque année désormais, le top albums ci-présent concerne les projets de plus de 10 titres sortis en 2023. En ce qui concerne son organisation, pas de classement à proprement parler. Il y aura d’abord les 10 albums les plus marquants, puis pour compléter dix autres disques qui mènent à 20 puis des mentions spéciales, absentes du classement, de peu.
Bekar – Plus fort que l’orage (31/03)
Début 2019, Bekar sortait son premier projet : Boréal. Une carte de visite qui montrait à la France entière que le rappeur roubaisien est d’une école où l’écriture et les flows sont des bases qu’il maîtrise parfaitement. Les années sont passées, et après un long format Briques Rouges, peut-être un peu trop long, mais dévoilant toujours son potentiel, Bekar s’est quelque peu lissé sur le double EP Mira Sierra sorti les deux années suivantes. L’étape du premier album semblait donc cruciale. Allait-il proposer un disque où les flows, bien que bons, se répètent, et les mélodies semblent évidentes, ou bien allait-il au contraire pousser le curseur de sa créativité qui l’avait fait remarquer en 2019 ?
Pour le bonheur des auditeurs, c’est la seconde option que Bekar a choisie. Et ce curseur, il l’a poussé notamment en donnant une direction à son album, et en ne se refusant plus rien. Dès la première piste, Triste, par exemple, on sent qu’il a ingéré les dernières sonorités de l’hyperpop et ses effets dans la voix. Mais quelques morceaux plus tard, Lucci lui propose une prod boom-bap très classique avec Entre 4 murs. Il multiplie alors les formats de morceaux, et réussit la prouesse de garder une cohérence malgré tout. Il propose deux feats relativement évidents. Celui avec PLK, puisque la plupart des artistes du label Panenka Music collaborent ensemble, et le groupe de Sto : TNF qu’il connaît depuis longtemps. Mais il surprend en invitant Myth Syzer et surtout Zinée sur, peut-être, le meilleur titre de l’album.
Bekar se confie aussi plus que jamais dans ce disque, il efface sa pudeur et conte l’anxiété, son enfance, ses rapports familiaux, le tout à cœur ouvert. En exposant le personnel, il touche l’universel. Les critiques ont été unanimes pour Plus fort que l’orage, alors on espère que la suite sera de la même facture. À voir quelle direction Bekar choisira de prendre.
Badnaiy – WITH LOVE (30/06)
Parfois, de manière inattendue, on se surprend à écouter des albums d’artistes dont on a oubliés d’où on tirait leur nom. Et ils nous surprennent au point de nous accompagner toute l’année jusqu’à même truster les tops. C’est clairement le cas de BADNAIY qui est arrivée telle une bombe au beau milieu de l’été. Si son nom vous est inconnu, c’est qu’elle a très peu dépassé les frontières Suisse d’où elle vient. Si en revanche, vous la connaissez, c’est que vous l’avez peut-être entendu en 2022 dans la compilation SANTORAMA : ou que vous étiez là dès le départ, en 2020 après la sortie de son projet Venus Beach. Quoiqu’il en soit, si vous ne connaissiez Lausanne que pour sa rappeuse La Gale, sachez que BADNAIY est plutôt son antithèse. Mélodie, flow et attitude sont des mots qui résument plutôt bien WITH LOVE. Elle n’a pas choisis de sortir son disque en juin pour rien, puisqu’il se trouve être véritablement parfait pour l’été. Des sons chantés comme Encore un verre ou Visages, ou carrément de club comme Quand je lance la money en sont les parfaits exemples. Mais BADNAIY ne se distingue pas qu’en chant et en rythmes dansants, elle a aussi son lot de morceaux bien kickés, comme par exemple Once upon a Time. Mieux, en plus d’être une excellente rappeuse, elle produit les deux tiers de son album. Alors lorsqu’elle dit « C’est pas un spoiler quand j’dis qu’à la fin je les termine« , elle n’a peut-être pas tout à fait tort. Elle a aussi tendance à choisir l’efficacité, puisque la quasi-totalité des titres font moins de 2min30. Alors en cet hiver, si vous avez besoin de retrouver un peu de chaleur, WITH LOVE est peut-être l’album qu’il vous faut, en attendant que BADNAIY ait la reconnaissance qu’elle mérite.
Alaclair Ensemble – Lait Paternel (01/09)
Dans les années 2010, au Québec, le rap francophone renaît de ses cendres, notamment grâce à deux groupes devenus emblématiques dans leur pays : Dead Obies, et Alaclair Ensemble. Si le premier n’a rien sorti depuis plusieurs années, ses membres sont toujours actifs, et on a pu écouter un excellent album du rappeur Greg Beaudin (anciennement Snail Kid) début 2023. Alaclair, en revanche, ont fait leur retour en grande pompe pour la rentrée, et ont sans doute sorti, avec l’album de Greg Beaudin, l’un des albums les plus intéressants de l’année. Le point commun entre ces albums tient en un mot : jazz. Plus qu’un genre musical, leur jazz, c’est une attitude, une manière d’aborder la musique, des flows aux prods en passant par les sujets évoqués. Les membres d’Alaclair Ensemble semblent glisser totalement sur leurs productions, chacun avec leur style, sans se soucier des codes préétablis. Ils sont affranchis de tout, au point de pouvoir reprendre le morceau À la claire fontaine en ouverture d’album. Au point de faire deux titres de 8 minutes sur les conspirationnistes, dont une outro partagée entre discussion de complotistes, justement, et prod house. Chaque piste emmène toujours plus loin, et à des endroits auquels on ne s’attend jamais. On se retrouve avec un disque qui divise, et qui peut surtout décontenancer, mais qui se permet d’aller où très peu d’artistes vont. Où la liberté artistique n’a pas de limites.
Glauque – Les gens passent, le temps reste (15/09)
Il y a des artistes et des groupes qui, pour des raisons relativement obscures, sont plus souvent plébiscités par des médias musicaux généraux, plutôt que par les spécialisés. Alors même qu’ils tournent, notamment en festival, depuis leur premier EP, Glauque fait partie de ces groupes. Ces groupes dont les médias rap ne parlent que très peu voir pas du tout. Et qui pourtant possèdent tout ce dont on peut rêver quand on aime la discipline. Une direction artistique assumée et pleine, des productions de qualité, un propos, et du rap qui rap. Pour faire leur premier album, Les gens passent, le temps reste, les membres de Glauque ont pris leur temps. 3 ans se sont écoulés entre le dernier EP et lui. 3 ans pour mieux construire un disque riche, un disque cohérent, et surtout un disque où on sent l’investissement des membres pour proposer encore une œuvre singulière, qui ne ressemble à aucune autre. En-dehors des sujets traités (notamment la non-paternité sur l’excellent Rance) et la qualité des textes, le rappeur de Glauque impressionne par son interprétation. Il ne rappe pas ses mots, il les vit, et les transposent sur des productions électros radicales, industrielles. Dès les premières minutes de l’album, il est évident que les morceaux ont eu droit à un vrai travail de composition musicale. Le côté groupe ici se sent énormément, ce ne sont pas simplement des textes posés sur des beats, mais bien un travail conjoint de tous les membres du groupe. Maintenant qu’il a fallu trois années pour qu’ils publient un tel disque, reste à voir combien de temps mettront ils avant de faire de nouvelles propositions.
Jewel Usain – Où les garçons grandissent (27/10)
Jewel Usain est un excellent rappeur, ses auditeurs le savent depuis des années. Pourtant, pendant toute la décennie 2010, son exposition est restée relativement faible, hormis sur un ou deux singles. La faute peut-être à une direction artistique peu maîtrisée, ou un entourage et une promotion pas à la hauteur. Il le dit lui-même en interview, à l’époque, il ne connaissait rien à l’industrie, faisait de la musique presque comme un loisir. Mais depuis 2021 avec son projet Mode Difficile, le public rap a commencé à d’autant plus s’intéresser à lui. Il est devenu l’un des portes-étendards de ces rappeurs qui ont toujours mérité plus de visibilité. Seulement, la visibilité, il a commencé à accepter de la recevoir assez récemment, avec ce dernier projet : Où les garçons grandissent. Notamment grâce à sa rencontre avec Béesau, le producteur principal de l’album. Et cette rencontre semble être une bénédiction artistique et la muse qu’il lui fallait. Car en plus de la trame narrative qui jalonne le disque, c’est surtout le trompettiste derrière la direction artistique, qui permet d’avoir une œuvre globale totalement maîtrisée où on se surprend à relancer l’album pour l’écouter toujours de bout en bout. Les morceaux pourraient s’isoler, mais le disque se tient tellement qu’il paraît souvent plus pertinent de l’écouter de la première à la dernière piste. Où les garçons grandissent, c’est une formulation assez flou, qui s’interroge sur la manière dont les hommes évoluent. C’est une façon de faire sa propre introspection et de commenter son parcours. C’est une manière de se raconter. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que Jewel Usain, désormais, sait vers où aller.
Josman – J.000$ (28/10)
La plupart des artistes sortent leur album le vendredi. Initialement, pour des raisons d’industrie, car les disques étaient mis en magasin ce jour-là. Mais depuis l’arrivée du streaming, et des nombreux rappeurs qui ne sortent pas de version physique de leurs projets, cette habitude n’a plus vraiment de sens, et certains artistes décident alors de s’affranchir de ce carcan. Josman cette année, a décidé de revenir, du jour au lendemain, avec un projet sorti pour son anniversaire, un samedi. Présenté comme une mixtape, ce dernier disque a pourtant tous les ingrédients que Josman aurait pu mettre dans un album. J.000$ a peut-être moins de tubes que ses autres projets, il possède en revanche une bien plus grande cohérence musicale. Split et M.A.N. pouvaient sembler taper à toutes les portes, en étant assez (voir trop ?) long. Cette dernière mixtape, elle, ne fait que 13 titres, et s’écoute donc beaucoup plus facilement. En ce qui concerne l’écriture, on reste sur la recette relativement classique qu’on connaît chez Josman : lifestyle, argent, relations avec les femmes… Ses flows sont toujours aussi efficaces et il s’essaye même au DMV. Mais c’est au niveau de la recherche musicale que J.000$ procède à un vrai changement. Josman pose sur des ambiances très jazzy, soul, souvent minimaliste au niveau des mélodies, mais avec beaucoup de drums. Et malgré une quantité de producteurs importante, il réussit à tenir une harmonie musicale globale de la première à la dernière piste. Après avoir eu de grandes ambitions avec ses précédents albums, peut-être qu’il fallait à Josman simplement le loisir de faire la musique qu’il veut, sans pression.
okis – Rêve d’un rouilleur (03/11)
Au début de l’année 2022, okis sortait de nulle part pour rappeler à la France que Lyon possède son lot de kickeurs. Deux EPs plus tard, le Roi des banaveurs était identifié et s’était fait approcher par son idole de la production : Mani Deiz. Un beatmaker plus que reconnu dans le milieu underground puisqu’il a fait de nombreux titres et des albums en commun avec, entre autres, Lucio Bukowski, Swift Guad ou encore Lacraps. C’est donc ensemble qu’ils se sont lancés dans la confection d’un album commun. Et ils se sont dépassés pour sortir un 17 titres ambitieux et surtout dense. Où okis multiplie les rimes multisyllabiques, l’argot et les références lyonnaises. Et Mani va chercher ses meilleurs samples pour proposer des prods tantôt boom-bap, tantôt uniques comme la prod évolutive de J’arrive. Loin des manies habituelles du rap à prôner la richesse illimitée, okis prône plutôt la « vie normal« . Il parle de prolétariat, de RSA, et une phrase à elle seule pourrait résumer son état d’esprit : » À tous mes traders qu’ont assez d’la C, c’est con, dommage // J’m’en bats les couilles, contentez-vous d’brasser et payer mon chômage« . Il faut parfois plusieurs écoutes, voir même lire les lyrics des morceaux pour bien saisir tout ce que le rappeur lyonnais veut dire dans ses textes, tant il allie quantité et qualité de rimes. Mais même sans comprendre la totalité de ses lignes aux premières écoutes, sa technique et les instrus de Mani Deiz suffisent à faire apprécier les 17 pistes de Rêve d’un rouilleur. Pour un premier album et un premier format long, okis impressionne, et ce n’est sûrement que le début.
Souffrance – Eau de Source (10/11)
Souvenez vous, en avril 2021, Souffrance faisait une apparition plus que remarquée au Planète Rap de web7 (7Jaws à ce moment-là). Plus tard dans l’année, il sortait son premier album solo Tranche de Vies, album fourni et radical, à l’image de son nom d’artiste et au même titre que les albums qu’il sortait avec son groupe : L’uZine. L’année suivante, il publiait Tour de Magie. Un disque plus ouvert, mais toujours aussi exigeant, qui lui aura permis de passer une étape de plus dans les médias et dans le public. Mais c’est véritablement en cette fin d’année 2023 que Souffrance a tirée son épingle du jeu en publiant le troisième volet d’une sorte de triptyque. Synthèse de ses deux précédents disques, Eau de Source est la réunion parfaite entre l’exigence de la plume et des sujets traités par le rappeur montreuillois, et la volonté de s’adresser à un public plus nombreux. Les titres restent alors toujours aussi sombres et dépeignent la dure vie qu’il constate autour de lui, mais il les espace avec d’autres plus accessibles comme Score. Il s’est ouvert aussi davantage en étant présent sur plusieurs albums dans l’année, et en invitant pour le sien ZKR, Oxmo Puccino ou encore l’inattendu Vald. Avec Eau de Source, Souffrance a enfin sorti cet album qui pourrait mettre tout le monde d’accord, de ses fans de la première heure aux nouveaux auditeurs. Maintenant, après un run aussi important sur trois ans, reste à voir ce que son avenir nous réserve.
So La Lune – L’enfant de la pluie (08/12)
La stratégie des deux dernières années pour So La Lune consistait à être sur-présent. Notamment avec une année 2021 où il a sorti pas moins de 7 EP entre mars et décembre. Une manière idéale pour être relayé par les médias tout au long de l’année, et faire parler de lui. La formule a plutôt bien marché, puisqu’en 2022, tout le monde attendait son premier long format. Fissure de vie a alors été très bien accueilli, avec, pour certains, un petit goût d’inachevé. Comme si So La Lune n’avait pas été assez loin dans sa proposition. Après un dernier EP en fin d’année, il avait alors laissé 2023 passer sans donner énormément de signes de vie, afin de mieux travailler son premier album.
Sur L’enfant de la pluie, on retrouve tout ce que So La Lune sait faire de mieux, des flows souvent chantonnés et au service des productions, des mélodies de sa voix légèrement nasillarde, et une certaine mélancolie. 18 titres, conclus par un morceau qui sample le film d’animation Là-Haut. Mais là où, sur ses anciens projets, So La Lune se confiait assez peu, sur cet album, il décide enfin de s’ouvrir et de parler plus de lui, afin de donner une vraie consistance à son disque. Ajoutez à ça une maîtrise désormais parfaite de ses flows, et des feats bienvenus avec Khali et SCH. L’enfant de la pluie se révèle être un des meilleurs disques de 2023, et assoit So La Lune comme une valeur sûre du paysage rap francophone actuel.
Selug – Le monde qui me tombe sur la tête (15/12)
Jewel Usain et Béesau, okis et Mani Deiz, Bekar et Lucci, l’année 2023 (et notamment du site) a été marquée par des disques aux duos rappeurs/beatmakers. Une formule qui semble de plus en plus marcher, et qui confère souvent aux disques une identité marquée. La fin de l’année a donc été à cette image, avec l’excellent disque Le monde qui me tombe sur la tête de Selug & $enar. Identifiés dans le public « new wave » depuis la fin de l’année 2022, notamment grâce à un titre avec Luther et surtout grâce au projet Eternel Retour, le duo montrait déjà sa capacité à s’inspirer de toutes les dernières sonorités présentes dans le rap français. Mais ils se sont laissé toute l’année 2023 pour sortir leur premier format long (après une apparition remarquée dans le Grunt de Wallace Cleaver en avril, un EP 4 titres en juin, et un épisode du Règlement Freestyle en octobre). Sur ce disque, Selug semble être à l’aise sur tous les types de productions. Et surtout, à l’aise avec n’importe quel flow. Qu’il s’agisse de flows à la limite du contre-temps comme sur Le ciel s’éteint, de morceaux plus kickés, ou même de chant comme sur Nuit des temps. Mais ce qui caractérise vraiment Selug, en plus de sa voix, c’est surtout sa capacité, si jeune, à aussi bien se raconter et être lucide sur ses problèmes. $enar de son côté, n’est pas en reste, avec beaucoup de détails dans les prods, des mélodies sur plusieurs niveaux et un vrai sens du mix. Il n’hésite pas non plus à faire évoluer ses productions en fin de morceau, comme par exemple sur Laptop ou sur J’devrais être fier (qui pour certains est sans doute trop électro). Avec un tel niveau si vite, Selug & $enar s’inscrit comme l’un des duos rappeur/beatmaker majeur à suivre prochainement.
Au bord du top
Ci-dessous, dix projets qui auraient pu très bien se retrouver au-dessus, qui l’ont raté de peu, mais qui auront marqué durablement l’année 2023.
Kekra – Stratos (27/01)
Les années passent, et malgré des albums toujours aussi bons, Kekra n’a jamais dépassé le plafond de verre sous lequel il gravite depuis un moment. La sortie de son dernier album en janvier dernier n’a pas échappée pas à la règle, malgré un travail média important. Et en plus de sa médiatisation, Stratos est sans doute l’un de ses disques les plus aboutis. En plus de retrouver l’aisance qui le caractérise sur tout type d’instrus, il élargit encore son spectre. D’abord en modulant toujours plus sa voix, dès l’intro avec le morceau Stratos, et tout au long de l’album. Au point même où il se feat tout seul sur Glock 18 ou Disconnect. Mais surtout, hormis quelques exceptions durant sa carrière, c’est la première fois qu’il s’ouvre autant à d’autres artistes. Retrouver des profils aussi différents qu’Alpha Wann, La Fève ou Zamdane lui permet, sans trop s’éloigner, d’étendre ses horizons. Et c’est surtout le feat avec Hamza qui aurait pu lui permettre de faire toute la différence, et d’avoir une ouverture vers le mainstream. Seulement malgré toutes ces nouvelles propositions, additionnées aux recettes efficaces qu’il nous propose depuis quelques années, Stratos n’a pas décollé autant qu’il aurait pu. Ses fans au moins auront pu enfin entendre certaines collaborations dont ils rêvaient depuis longtemps et écouter un des meilleurs disques de sa carrière.
Sadek – Changement de propriétaire (27/01)
Une carrière de plus de 10 ans sans avoir vraiment d’album définitif. Le dernier était peut-être celui qui s’en rapprochait le plus, mais pour 2023, Sadek avait d’autres ambitions. Revenir, en étant totalement libre, et en sortant pas moins de 3 projets, avec bonus exclusifs en CD pour le premier et réédition pour le second. Un run très important donc, qui a commencé en apothéose avec Changement de propriétaire. Cet album est d’ailleurs peut-être celui qui se rapproche le plus du disque définitif dont on rêvait pour Sadek. Une intro, À contre courant, grandiloquente, sans refrain et avec un effet crescendo. Des flows ciselés et des thématiques où il remet en question toute la société, en passant par l’industrie du rap et les médias. Et enfin, le classique morceau fleuve de 5min, Changement de propriétaire, qui annonçait un changement drastique dans la vie de Sadek. Malheureusement, le changement a été court, puisqu’il a retrouvé ses démons en fin d’année sur les réseaux sociaux, à l’image de sa période Nique le Casino. Cet album semblait pourtant être la bonne boussole à suivre pour la suite de l’année. Seulement les deux autres disques se sont trouvés être moins cohérents et moins percutants. Ils auront quand même leurs lots de bons morceaux, et des featurings relativement inattendus comme ceux avec winnterzuko, Josman, thaHomey ou Biga Ranx. Mais rien n’y a fait, c’est bien Changement de propriétaire que l’on retiendra le plus de cette année 2023.
Niro – Taulier (10/02)
Si l’on devait citer les rappeurs qui ont assurément marqué la dernière décennie, il y aurait de très grandes chances pour que le nom de Niro finisse par sortir. Et ce n’est pas pour rien, en l’espace d’une dizaine d’année, le rappeur de Blois a bâti une très solide discographie. Tous ses disques ne se valent pas, mais il y a toujours un lot important de morceaux à retenir dans chacun d’entre eux. Précédemment, pour le résumer au mieux, il fallait sans doute écouter Stupéfiant sorti en 2019, qui conjuguait bien toutes ses inspirations. Seulement depuis, Niro a encore step-up, notamment côté mélodie, et il n’a cessé de vouloir dépasser ses limites. Alors après Sale Môme, un projet au concept compliqué, d’EP qui se suivent pour former la réédition d’un album qui se trouve être bien trop long, il a pris le temps pour façonner une œuvre plus harmonieuse. Désormais pour le résumer au mieux, c’est Taulier qu’il faut écouter (éventuellement avec sa réédition, mais le disque se suffit déjà à lui-même). Il pousse les mélodies plus loin qu’auparavant, avec un titre comme Jamais de Nous et propose de vraies performances de rap, comme sur 50 Euros avec Alpha Wann ou l’outro Papa fait le pitre. Il y a quelques années, Flynt disait « Je suis celui qu’il faut connaître, quand on prétend s’y connaître« . De la même manière, Niro se place désormais comme un rappeur incontournable, pour qui se prétend passionné de rap. “Demande à ton frère s’il connaît mon blaze, s’il le connaît pas, c’est qu’il connaît rien”
TripleGo – GIBRALTAR (03/03)
On l’attendait depuis longtemps, l’œuvre qui résumerait le mieux TripleGo, et qui permettrait enfin d’asseoir le duo Montreuillois au sommet de son art. Il y avait déjà eu Machakil en 2019 et TWAREG 2.1 en 2021 qui montrait bien l’univers si particulier du groupe. Mais avec GIBRALTAR, ils ont encore passé un nouveau stade. Les mois parurent longs, car TripleGo ont beau être productifs, ce sont deux mixtapes « d’attente » qu’ils ont sorti avant d’enfin publier leur album. Mais l’attente n’a pas été vaine, car cet album est sans doute celui où le duo se complète et se comprend le mieux. Les premières secondes ramènent directement dans leur univers atmosphérique et vaporeux, et la voix grave de Sanguee transporte. Les inspirations arabes sont toujours là. On le ressent dans plusieurs prods, par la voix de la chanteuse égyptienne Lella Fadda et par le morceau sans doute le plus étonnant : La Faille. Étonnant car il est en featuring avec Kekra, et que, le groupe, comme lui, se mélangent assez peu en général. Pourtant, à l’écoute, la connexion paraît complètement évidente. Le reste de l’album ressemble à ce qu’on pourrait attendre d’un tel groupe, TripeGo se placent toujours parmi les rois du cloud rap en France.
Ol’Kainry – Noble Art (09/03)
Noble Art, deux mots qui résument très bien l’état d’esprit et l’exécution du dernier album d’Ol’Kainry. Le disque d’un passionné qui depuis deux décennies n’a cessé de rapper. Exit les covers et longues références aux mangas, cette fois, Ol’Kainry revient aux fondamentaux. Pour ça, il a décidé de faire appel à un casting XXL, vertigineux, dont certains sont justement dans le top album du site. Il réunit aussi plusieurs générations, en faisant côtoyer sur un même disque (et même sur un morceau), entre autres, Alonzo, Mac Tyer, Alkpote, Sadek, Kamnouze, A2H ou encore Souffrance. D’ailleurs, deux tiers des titres de l’album sont des featurings. Hormis cette omniprésence d’invités, l’album s’appelle Noble Art justement car le rappeur du 91 rend hommage au rap qu’il aime et qui l’a amené à rapper. Que ce soit au niveau du choix des productions, des flows, et même des sujets, comme le montre très bien QB par exemple. « Est-ce que les kickeurs sont dead ? Je ne pense pas non, je serais toujours dans le top 5 de tous les 30-40« . Si vous avez aimé Ol’Kainry un jour, et que vous aimez les kickeurs, que vous soyez un 30-40 ou non, aucun doute que ce disque vous ravira.
Akhenaton & Veust – Monopolium (11/10)
Depuis plusieurs années maintenant, Akhenaton se montre de plus en plus productif, et surtout, de plus en plus pertinent dans ses propositions artistiques. En particulier lorsqu’il s’extirpe d’IAM. Il a marqué 2020 avec Astéroïde et 2022 avec Latin Quarter. En 2023, il est revenu cette fois avec un projet en commun avec son comparse de Vallauris depuis deux décennies : Veust. Lui de son côté, n’a pas cessé d’être productif dans sa carrière, sans pour autant atteindre une reconnaissance plus grande qu’un cercle restreint de passionnés de rimes. D’ailleurs, ce qui unit et défini plutôt bien ces deux rappeurs, c’est justement la qualité de leurs rimes, et, en particulier ces dernières années, des disques où le rap est vraiment central. Avec une telle alliance donc, pas vraiment de place à la mélodie. Pas même de place à d’autres rappeurs. Simplement 13 titres où les deux sudistes nous rappellent que même avec plus de vingt ans de carrière, ils ont encore des choses à dire, et se trouvent plus que pertinents derrière un micro.
ADVM – .s’oublier encore. (24/11)
On a pu le voir ces dernières années, (notamment plus haut avec So La Lune), une méthode relativement efficace pour faire parler de soi lorsqu’on est rappeur consiste à sortir plusieurs projets lors d’une même année. Seulement, en plus de ces projets, il faut toucher les médias, et surtout, le plus important, proposer quelque chose de qualitatif, et si possible même, d’unique. Avec une intro pareille, vous commencez à voir venir le parcours de 2023 d’ADVM. Après des projets très confidentiels les années précédentes, il a publié trois disques cette dernière année, conclue par .s’oublier encore., sans doute son meilleur disque à ce jour. Dans ce projet, on retrouve ce qui pourrait peut-être résumer au mieux ADVM. Un rappeur, encore jeune, qui interroge énormément sa propre vie et ce qui l’entoure. Du rap où l’interprétation a une importance capitale, où on sent les émotions traverser chaque ligne. En plus d’avoir la formule des refrains chantés, sa manière de rapper est parfois à la limite du parlé, scandé, à l’image d’un B.B Jacques, avec des couplets sans rimes. Ses flows montrent qu’il a fait ses classes et qu’il n’a pas découvert le rap récemment, et ce disque, comme les précédents, montre qu’il a encore énormément de choses à dire. Alors soyons-en sûr, en 2024, ADVM nous proposera sûrement encore de très bons disques.
ISHA & Limsa d’Aulnay – Bitume Caviar (Vol.1) (01/12)
Il était attendu, tellement qu’il semblait avoir été annoncé il y a déjà de nombreuses années, l’album commun entre ISHA et Limsa d’Aulnay. Les premiers feats entre les deux rappeurs laissaient présager un disque d’une grande qualité. Seulement, on le sait, et surtout, on l’a entendu ces dernières années, des collaborations efficaces sur un ou deux titres, ne signifient pas forcément une réussite en termes d’album. Le meilleur exemple en date étant sans doute le projet commun entre Kaaris et Kalash Criminel qui, même s’il n’était pas mauvais, n’avait réussi à sortir aucun titre à la hauteur de leur classique Arrêt du cœur. Le 1er décembre, en même temps que l’album commun entre Tiakola et Gazo, qui semblait fort artificiel, Bitume Caviar, paraissait, lui, bien plus organique. Et comme ils ont pu le dire en interview, on sent justement l’alchimie et le travail de cohérence qui a été fait derrière l’album. On retrouve ce qu’on aime chez les deux rappeurs : des rimes riches (et qui font sourire chez Limsa), des témoignages de vie et de la confidence. Ils ont réussi à allier avec justesse ce qui fait leurs forces sur un premier volet d’une série de disques qui s’annoncent (s’ils suivent cette mouvance), tous, très réussis.
robdbloc – Faux départs (08/12)
Depuis plusieurs années déjà, robdbloc fait partie de ces rimeurs qui parsèment leur carrière d’EPs, en prenant le temps avant de proposer un format long. Repéré en 2020 avec son 5 titres Replay, il a affiné sa technique et sa plume, en étant actif par petites touches. Si vous n’aviez pas entendu parler de lui en solo, vous l’avez forcément entendu rapper auprès de Jazzy Bazz ou EDGE, puisqu’il est très proche des artistes du studio Goldstein. Et toutes ces années de formation lui ont permis de sortir un premier disque à son image. Allait-il faire des tentatives de singles ? Allait-il changer son fusil d’épaule ? Rien de tout ça, Faux départs est un album intransigeant. Si vous aimez le découpage de prod en bonne et due forme, vous serez servi. Il nous propose même un mets très rare, en l’apparition bien heureuse de Jungle Jack qui s’était fait rare depuis 2021. En somme, si vous aimiez déjà robdbloc sur ses projets solos, inutile d’attendre plus longtemps, Faux départs est le disque qu’il vous faut.
La Fève – 24 (22/12)
La Fève a l’habitude d’arriver en fin d‘année pour chambouler les tops de ceux qui n’attendent pas le 1er janvier pour chroniquer l’année passée. Alors que la plupart des journalistes et passionnés avaient déjà publié la liste des disques qui les avaient marqués en 2023, 24 est arrivé, comme prévu, rebattre les cartes. Oui, quand 24 est sorti, la quasi-totalité du public rap s’est mis d’accord pour dire que La Fève avait publié un des disques de l’année. Deux ans après ERRR, celui qui se trouvait être, malgré lui, le figure de proue de la « new wave » est revenu avec très peu de particularité de sa génération. Pour ce dernier disque, il a voulu être radical dans la proposition, et montrer son amour et sa passion pour la trap, au sens large. Il montre, des flows aux instrus à quel point il a écouté du rap américain. Des références évidentes comme avec les titres RIP Dolph et RIP Keed jusqu’aux cuivres et discours de motivation, tout transpire les Etats-Unis. Avec 24, La Fève a peut-être sorti l’un des disques qui montre le mieux l’amour d’un Français à la culture rap américain.
Mentions Spéciales
Que seraient ces 20 disques précédents sans ceux qui étaient proches d’y être, qui ont sortis de très bons albums, mais qui n’ont pas suffit à rentrer dans le top. Certains n’y figurent pas car ils se sont trop éloignés du rap comme Luidji & Swing. D’autres car ce sont plutôt des compilations et difficile de les mettre sur le même plan que des albums de rappeurs de bout en bout comme Darealright, Or Bleu, Let’s Go, Lithium, ou bien qui n’ont pas été assez loin dans leur proposition comme les albums de Wallace Cleaver, La Rumeur, Malo, winnterzuko, Heskis ou H JeuneCrack…
À noter qu’une playlist (Spotify, Deezer ou Youtube) se trouve à la fin de l’article.
Luidji – Saison 00 (06/05), Swing – AU REVOIR SIMEON (01/12), Darealright – Dareal m’a tuer (27/01), Lithium Lithium (10/03), PUSH & GIO – LET’S GO (12/05), Or Bleu – Beaucoup (08/09), Heskis – Plot Twist (16/03), winnterzuko – WINNTERMANIA (17/03), H JeuneCrack – MATIÈRE PREMIÈRE (26/05), Malo – iD (02/06), La Rumeur – Comment rester propre ? (16/06), Wallace Cleaver – baiser (16/06)
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Bekar - Effet mer feat Zinée
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Badnaiy - À l'infini
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Alaclair Ensemble - Alaclair Fontaine
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Glauque - Rance
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Jewel - Incapable feat Béeseau & Hedges
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Josman - Problème de riche
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okis - Paresse saine
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Souffrance - Score
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So La Lune - Sales images
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Selug - Le ciel s'éteint
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Kekra - Vibe & Sun
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Sadek - À contre courant
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Niro - Papa fait le pitre
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TripleGo - Lil
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Ol'Kainry - Valar Morghulis feat Alkpote, A2H, Kai Du M, Sadek, Testos, Souffrance, Alonzo, Kamnouze, Horseck & Mac Tyer
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Akhenaton & Veust - Chanson De L'année
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ADVM - .enfin s'oublier.
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robdbloc - Priorités
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La Fève - RIP Dolph
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ISHA & Limsa d'Aulnay - Lotissement
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Luidji - Reste en vie
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Swing - No Future
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Darealright - Max Payne feat EDGE
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Lithium - Y A R feat Sopico
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PUSH & GIO - FER EN PLASTIQUE feat wasting shit
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Or Bleu - Hors-d'œuvre feat Lary Kidd
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Heskis - Printemps
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winnterzuko - GEARLESS
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H JeuneCrack - Présidentiel Flow
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Malo - Médication
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La Rumeur - Un Gosse À La Fenêtre
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Wallace Cleaver - dans ma tête