Le top EPs 2023

Vrais Savent

Vous vous en êtes forcément rendu compte, en 2023, le nombre d'EPs a complètement explosé. Alors pour y voir plus clair au milieu des centaines de sorties, quoi de mieux qu'un top des meilleurs formats courts de l'année passée ?

Ce n’est pas spécialement nouveau, depuis plusieurs années déjà, le format EP se répand plus que le format long dans le rap français. 2023 n’a pas dérogé à la règle, les EPs ont pullulé tout au long de l’année, de toute forme et souvent sans prévenir. Le terme EP commence d’ailleurs petit à petit, comme mixtape et album, à perdre de son sens, car même des projets de 2 titres sont appelés EP. En attendant, étant le format le plus sollicité par les rappeurs, en particulier pour les émergents, (mais aussi des confirmés comme Lacrim ou Dinos & Dosseh) c’est donc par ce biais que les sorties les plus intéressantes et inattendues sont apparues. Plus simple d’expérimenter sur 4 titres que 15, et plus facile aussi de proposer une cohérence musicale. Tous les styles y sont représentés dans le rap actuel, du boom-bap à l’hyperpop, en passant par le hip house, la drill, la 2-step, la trap, la jersey drill, la plug, ou des hybridations qu’on peut difficilement nommer. Si vous n’êtes auditeurs que d’une niche de rap en particulier, pour sûr, vous avez eu des EPs à vous mettre sous l’oreille en 2023. La liste serait très longue, mais en dehors du top ci-dessous, on pourrait citer les EPs de Baby Hayabusa (et Femtogo), Lonepsi, Sameer Ahmad, ADM, Keroue, Tenn, Skia, Ron Brice, Lyloow, ACHIM, Ben PLG, Hugo TSR, Leo SVR, Mac Seamus, AKISSI, NeS, Sokuu, Vin’s, Box, Deep Kelins, Char ou encore HOUDI & Stony Stone.
Comme depuis toujours ici, afin de différencier simplement EP et album, seront présents dans ce top uniquement des disques de 10 titres ou moins sortis en 2023. Ensuite, pas vraiment de classement, simplement les 10 EPs les plus marquants, puis 10 autres qui viennent compléter le podium, et enfin une petite salve de mentions spéciales.

YvnnisNOVAE (13/01)

Les mois de janvier sont souvent très peu prolifiques en gros projets, alors le premier qui nous marque un peu à tendance à rester pendant très longtemps sur les playlists. Un an plus tard, alors qu’il a sorti la suite L’AFRO OU LES TRESSES, NOVAE reste incontestablement un des EPs les plus importants de 2023. Le rappeur proche de NeS ou AAMO a montré à la France entière qu’il faisait partie des rappeurs à retenir. Sur ce projet, il nous montre qu’il est à l’aise sur n’importe quel type de prod. Qu’il s’agisse de 2-Step sur Héros, d’une prod électro avec une batterie bien organique sur Soleil pluvieux ou d’un beat bien plus classique comme sur +74, Yvnnis est capable de dérouler. D’ailleurs il prouve à plusieurs reprises qu’il a fait ses classes et a écouté tous les classiques importants : « J’ai envie d’rapper comme la Three Six » dit-il sur Sur le gun, ou encore « J’écoute Biggie, Nas, hun, j’écoute No Diggity » sur CBPM. Une maitrise des classiques qui fait que, comme il le dit lui-même : « On dirait j’rappe depuis 96« . NOVAE n’était pas son premier projet, mais se trouve quand même être la carte de visite parfaite pour découvrir Yvnnis. Un projet qui restera longtemps dans sa discographie et qui annonce une suite de carrière efficace.

San-Nomsilence assourdissant (Live Session) (31/03)

Il y a de ça plusieurs décennies, une pratique relativement normale, dans tous les genres musicaux, consistait à enregistrer un de ses concerts pour en faire un album live. Parce qu’une performance scénique ne doit pas ressembler à de la musique produite en studio, les personnes n’ayant pas pu vivre, ou voulant revivre un concert pouvaient donc se lancer un album live, et (re)découvrir les morceaux qu’ils connaissaient déjà, mais dans des versions sensiblement différentes. Malheureusement, pour des raisons obscures, mais qui sont peut-être liées à l’arrivée de YouTube, depuis près de 20 ans, le nombre de disques lives a chuté drastiquement, notamment dans le rap. Pourtant, des rappeur.se.s pertinent.e.s en concerts, il en existe beaucoup, et ils et elles mériteraient sans doute leurs enregistrements et sorties de ce type. Un disque live, c’est rare, donc. Alors quand San-Nom, en 2023, a décidé de sortir un Live Session de 9 titres issus de son précédent projet, l’idée semblait plus que séduisante, surtout pour un artiste comme lui qui se donne autant sur scène. Le résultat n’arrive pas dans le top 10 par hasard. De l’instrumentation à la prouesse vocale de San-Nom, l’idée du disque live qui paraît sans doute désuète à l’heure actuelle, semble soudainement aller de soi. On retrouvé son côté désabusé et critique de la vie, mais avec une conviction sans pareille dans sa façon de rapper. Silence assourdissant, c’est l’EP idéal pour donner envie à son public d’aller le voir en concert, et de revendiquer des concerts d’une même qualité pour tous les autres rappeurs francophones.

La GaleOn vous rappelera (19/05)

Dans le top albums 2023, on vous parlait de la rappeuse lausannoise BADNAIY. Dans le top EPs, on vous parle de son antithèse, lausannoise elle aussi : La Gale. Si vous suivez le rap suisse depuis des années, en particulier des artistes proches de Swift Guad, ou du producteur Al’Tarba, La Gale ne vous est pas inconnue. Pourtant, malgré une carrière de plus de dix ans maintenant, la rappeuse continue de se faire discrète. C’est sans aucun doute par choix, mais elle communique assez peu sur les réseaux sociaux, et sort des disques très souvent sans qu’on ne s’y attende. 3 ans après le dernier en date, Acrimonium, elle est donc revenue avec On vous rappellera. Pochette sombre, cabine téléphonique, titre évocateur, si vous découvrez La Gale, vous allez entrer directement dans son univers. Parce qu’avec ce nouvel EP, on retrouve tout ce qu’on aime dans sa musique : un discours maussade et plutôt pessimiste, la voix éreintée, et des prods qui s’adaptent parfaitement à cet univers sombre. La rappeuse qui chantait « Qui m’aime me suive que les autres aillent mourir » n’a pas perdu de sa rage, et la distille toujours avec ardeur sur 9 titres. « On est assez dérangés pour ne pas en avoir l’air […] on va bétom ça c’est sûr, on se retrouvera en enfer« , « Moi c’est la douleur qui m’inspire, j’ai une citadelle à bâtir« , « Depuis un bail même le compteur d’eau s’est mis à faire la gueule« . Plus de 10 ans que La Gale délivre ce constat toujours amer sur la vie, et peu de chance que son discours change. Là où de nombreux artistes préfèrent montrer une réalité fantasmée, elle est le porte-étendard des écorchés vifs.

Mairoomar chappier (19/05)

« Là c’est la Suisse, pas les français, pas les belges« . Même semaine, même pays. En 2023, la Suisse nous a offert énormément de beaux projets. Repéré particulièrement depuis 95 Monde Libre, Mairo fait partie du renouveau de la scène helvète. Et il est suivi de près à chacune de ses apparitions discographiques. En 2023, il s’est retrouvé dans tous les tops. Soit avec Déjeuner en paix entièrement produit par JeanJass, soit avec QUI A VOLÉ LE SOLEIL ? un 3 titres avec son compère Slimka. Soit, comme ici, avec omar chappier. Après une année 2022 relativement dépourvue de sorties, il a donc décidé de nous gratifier de trois formats courts à la qualité incontestable. Comme pour Yvnnis en début d’année, Mairo multiplie les références au rap et prouve qu’il connait son histoire, ses acteurs et ses rimes sur le bout de son stylo. Zekwé, Sheck Wes, Les Sages Po, Fatman Scoop, Big L, Sheryo, Lino, Mo’vez Lang, autant d’artistes cités qui montrent bien l’étendue de sa connaissance. D’ailleurs, un titre comme Dope Sound par exemple démontre bien qu’en plus d’avoir écouté l’ancienne génération, il pourrait très bien se retrouver sur un disque avec n’importe lequel des rappeurs de cette époque et croiser le micro sans trembler. Mais en dehors de cette génération, et en seulement 9 morceaux, Mairo réunit une multitude d’invités, particulièrement bien vus dans son créneau : Wallace Cleaver, NeS, H JeuneCrack & Implaccable. Seul ou à plusieurs, l’envie de faire pause pour revenir en arrière et réécouter une punchline arrive plus d’une fois. Ce n’est peut-être pas encore le cas, mais comme il le dit lui-même : « J’ai rappé j’ai rappé je suis passé de banal à légende« . Après un projet comme celui-ci, et les prochains qui arriveront, sans aucun doute que Mairo finira bien en légende.

TueriePapillon Monarque (19/05)

Tuerie s’était présenté en 2021 au public et au monde par le biais de Bleu Gospel. Un EP qui prenait aux tripes avec ses sujets profondément sans pudeur, et qui montrait surtout toutes ses palettes musicales. Il est revenu en 2023 avec Papillon Monarque pour rappeler qu’il est aussi bon dans le découpage d’instru (27 Cèdres) que dans l’émotion (Numéro Vert) ou “la vibe” (G/Bounce). Ce nouvel EP est plus dense et plus ouvert aussi que Bleu Gospel, mais Tuerie continue malgré tout de se délivrer. Il a ce dont pour raconter des récits intimes qu’on ne pourrait pas retrouver chez quelqu’un d’autre. « Et j’ai presque envie de pardonner, depuis qu’je sais qu’mon père s’est fait violer« . Des phases fortes, en adéquation avec son interprétation toujours sans pareil et les instrus qui suivent elles aussi le mouvement de ses pensées. Les productions sont rarement linéaires, et ne voguent qu’au grès des envies du rappeur. Au milieu de ses confidences, il n’hésite pas aussi à simplement rappeler qu’il est l’un des meilleurs rappeurs de France, et que même sans son univers travaillé, il pourrait freestyler avec n’importe qui. D’ailleurs, cette année, c’est peut-être le début de la consécration pour lui. D’abord une nomination puis victoire au Prix Joséphine (sans doute l’un des, si ce n’est le prix le plus pertinent dans la musique en France). Et ensuite, enfin une tournée solo à travers la France, prouvant qu’il n’a plus besoin d’accompagner Luidji sur scène pour vivre de sa musique. Tuerie est reconnu maintenant, espérons pour lui qu’il finisse par être riche.

Eesah YasukePROPHÉTIE (26/05)

Quand on écoute de la musique, de manière occasionnelle ou à longueur de journée, il est relativement rare de tomber sur des propositions singulières. En 2021, Eesah Yasuke faisait partie de ces propositions dans le paysage du rap français. À travers, notamment, de nombreux tremplins, elle a montré que sa singularité rimait aussi avec qualité. Son premier EP et sa victoire aux Inouïs du Printemps de Bourges lui ayant permis de faire une première longue tournée, Eesah aurait pu revenir, triomphante, avec un premier album. Seulement la rappeuse a préféré continuer de prendre son temps, toujours en dévoilant ses fêlures, et à travers un disque relativement court. 9 titres, où la plume s’est affinée, le flow s’est aiguisé, et son écrin de prods est devenu plus étincelant. Son univers déjà marqué se trouve être d’autant plus affirmé sur ce dernier EP. Eesah continue d’écrire de manière assez imagée, mais aussi assez trouble pour que les thématiques n’apparaissent qu’à demi-mot. Ainsi, à son écoute, c’est aussi bien la musique, que l’interprétation et son flow, ou justement son écriture et ses thématiques fortes, notamment sur son enfance, qui vous toucheront. Elle a d’ailleurs invité Tuerie quelques semaines après la sortie du projet, pour un remix de Chaud l’hiver. Une ouverture vers un autre univers qui nous laisse espérer qu’elle se retrouvera invitée elle aussi plus souvent à l’avenir. Seule la Prophétie connaît son avenir.

22CarboneEntropie (06/10)

Imaginez Marseille. Son climat, son soleil, l’odeur de la Méditerranée, les typebeat Jul. La joie, la bonne humeur, tout ce qu’on pourrait imaginer d’une ville pareille. Si vous y êtes, retournez donc tout ça, et vous vous retrouverez dans le funeste univers des marseillais de 22Carbone. Si vous pensiez que la ville phocéenne ne pouvait sortir que de la musique positive, ils sont là pour vous prouver le contraire. Les titres des morceaux parlent pour eux-mêmes, Venin, Gangrène. Et qu’il s’agisse de phrases ou de références, la quasi-totalité des lyrics de 22Carbone est sombre. “Matrixé depuis que je me suis mis Berserk”, “Au final, un monstre en moi, c’est un fardeau ou c′est bien ?”. Le seul morceau un tant soit peu ensoleillé s’appelle justement Marseille est vide. Mais il est là uniquement pour reprendre une respiration dans cet univers sinistre, teinté d’addictions. Seulement, ça ne suffit pas à faire un bon disque, un univers pareil. À la manière de Glauque présent dans le top album, les membres de 22Carbone prennent un soin méticuleux à travailler leurs productions. Ternes, intenses et fouillées, où les détails et les bruits même ont toute leur importance. Ils vont même jusqu’à proposer de la drum’n’bass sur Venin. Et en ce qui concerne les flows : « ça découpe au scalpel« , c’est violent et incisif, et ils ne laissent rien au hasard. Que vous aimiez ou non, l’EP de 22Carbone ne peux pas vous laisser indifférent, mais une chose est sûre, c’est qu’il n’est pas à écouter sous tous les moods.

KT GOriqueAKISSI (13/10)

Le rap suisse était décidément en forme en 2023. Parmi les gros EPs parus cette année, AKISSI est un bon exemple de ce que le pays a de mieux à proposer. C’est aussi un bon exemple de la manière dont on peut diffuser un projet à l’heure du streaming. De mai à octobre, KT Gorique a alimenté son EP de nouveaux titres jusqu’à ce qu’il soit définitif 5 mois après le premier extrait. En-dehors de cette particularité du streaming, depuis son dernier album Akwaba en 2020, KT Gorique mise justement plutôt sur les formats courts. Alors même qu’elle a gagné en notoriété depuis sa participation à Nouvelle Ecole, la rappeuse décide, plutôt que de proposer un long format, de rester active sur des disques courts mais bien représentatifs de qui elle est. AKISSI, c’est encore une démonstration de force de sa part, quel que soit le beat qu’on lui propose. Le parfait dosage entre egotrip, message et introspection. “Ah putain ce que j’aime le rap”. Le découpage sur 23 minutes ne peut que l’affirmer, elle aime le rap. D’ailleurs l’intensité ne se calme que sur quelques refrains. Il faudra bien prendre son souffle avant l’écoute si vous ne voulez pas être submergés. “Bientôt 20 ans que je débite, internet veut faire croire que je débuteKT Gorique est bien loin de débuter, mais loin aussi d’être dépassée, et on lui souhaite encore 20 ans de débit.

SheldonSeul(s) (24/11)

En 2023, Sheldon nous a rappelé qu’il avait deux facettes bien distinctes, mais qui ne sont que les faces d’une même pièce. D’un côté, le rappeur touchant, aux mélodies simples et entêtantes. Largement exploité d’une part sur Spectre en 2021, et d’autant plus d’une autre avec Ilot en début d’année. Un album où l’absence de featuring interrogeait. Ce n’était en fait pas pour rien : en fin d’année, le patriarche de la 75e Session a décidé de revenir avec un EP de 8 titres composé uniquement de feats. L’autre face de la pièce est là. Chaque morceau est une démonstration de force face au MC en face. Il a été chercher plusieurs générations pour se mesurer à lui. De l’école du 18e des années 2000 avec Flynt, à la nouvelle génération avec Selug, H JeuneCrack ou Wallace Cleaver, en passant par Zekwé, Kronomuzik 3010 et Ben PLG. Chacun a son propre style, sa propre façon d’aborder la musique ou un feat, et Sheldon arrive à s’adapter à chacun d’entre eux sans se faire prendre sur son propre terrain. Si vous aimez le Sheldon qui se raconte, sans doute qu’il faudra plutôt écouter Ilot. En revanche, si vous aimez le Sheldon qui est là pour en découdre, vous êtes au bon endroit. Et le casting XXL s’est aussi mis sur son 31 pour respecter la discipline. Surprise aussi pour ceux qui auraient eu la chance de commander la version physique du CD, il a rajouté la bagatelle de 23 titres, beaucoup solo, mais d’autres en featuring pour satisfaire les plus insatiables. Quoiqu’il en soit, que vous ayez la version physique ou seulement les titres présents sur les plateformes, Seul(s) fait incontestablement partie des disques incontournables de la fin d’année 2023.

Ptite SoeurNOUVELLE ⸎ ECONOMIE (18/12)

Si vous vous êtes intéressés aux beatmakers émergents marquants en 2023, vous n’avez pas pu passer à côté de Neophron. D’abord avec les EPs qu’il a produit pour Femtogo et son alias baby hayabusa. Ensuite, pour un.e artiste que l’on avait entendu globalement que sur Soundcloud auparavant : Ptite Sœur. Un premier EP RED႟UN fin mai, qui posait bien les bases expérimentales qui allaient nous attendre en écoutant l’artiste. Puis en fin d’année : NOUVELLE ÉCONOMIE, l’un des projets les plus intéressants de 2023. Rarement on aura entendu une telle alchimie entre une voix, des productions, et surtout des détails et effets partout. Si sur cette nouvelle vague de rappeurs et rappeuses proches de l’électro, nombreux sont celles et ceux qui ne rappent finalement pas tant que ça, Ptite Sœur, au contraire, possède un vrai flow. On peut être dérouté par tous les effets partout, mais le rap nous rattrape. L’intro annonce déjà la couleur, aussi bien en termes de production, d’effets et glitchs que de thématiques et écriture “J’fuck le 17, nan, ils fuck des hoes de 17 ans”. Puis les phases revendicatives fusent. “J’vais envoyer des lettres à l’Élysée imbibées d’Fentanyl« . « Eux, ils baisent des gosses comme le patron du CNC« . Mais très vite il faudra accepter l’aspect presque menaçant de la plupart des productions. Ainsi que les nombreuses phases relativement cryptiques, et références assez précises, notamment en termes de jeux vidéo qui parsèment le disque. Si vous êtes à l’aise avec tout ça, plonger dans l’univers unique de Ptite Soeur ne deviendra donc que pur plaisir. Et s’il est à peu près certain que NOUVELLE ECONOMIE est le genre d’EP qu’on n’écoute que dans certains mood, il n’en reste pas moins très inspirant pour ce que le rap peut avoir à proposer actuellement.

Au bord du top

Ils auraient pu se retrouver juste au dessus, dans le top 10, mais l’ont raté de très très peu. Voilà dix autres projets courts qui ont marqué l’année 2023.

PeetTodo Bien (24/02)

Si vous suivez la scène Bruxelloise depuis plusieurs années, vous devez sans aucun doute connaître Peet. Notamment si vous avez écouté le groupe Le 77 dont il faisait partie avec l’ancien membre de L’or du commun : Félé Flingue. L’une des particularités de cette scène belge, c’est son côté zéro complexe. Et Peet en est un de ses meilleurs représentants. À commencer par sa pochette d’album qui reprend une légende de la city pop japonaise : Masayoshi Takanaka. Mais même sans son univers visuel, on verrait peu d’artistes faire un titre comme Si j’étais riche, avec un refrain qui dit « Ah si j’étais riche, j’construirais des petites maisons dans les prairies« . En-dehors de cette insouciance dans les lyrics, et parfois au micro, son rap est clairement reconnu par ses pairs belges, puisque JeanJass et Primero sont aussi présents sur le disque. La détente assumée est parfois contrebalancée par des prods relativement oppressantes comme sur Karma, mais l’ambiance globale reste agréable. Quoiqu’il en soit, écouter Peet, c’est s’assurer une journée douce, où le monde a l’air simple.

GrödashMonnaie Time 2 (31/03)

Monnaie Time 2 ne devrait en principe pas figurer dans le top EP 2023. Pour la simple raison qu’il ne rempli pas le critère simple de « maximum 10 titres« . Seulement, son outro est un morceau qui était paru quelques semaines auparavant sur Grödash présente Flymen Music, alors (même s’il est excellent), j’ai décidé de l’exclure du projet, et on se retrouve donc bien cette fois avec un disque de 10 titres. 10 titres, où Grödash rap. Où Grödash montre sa terrible aisance derrière un micro. Où il prouve que, contrairement à ce que l’opus précédent pourrait laisser penser, il n’a pas besoin de featurings prestigieux pour faire des morceaux marquants. Lui qui vient d’une école et d’une génération où dénoncer fait partie d’un grand package logique, il ne se limite jamais. Les phases militantes et engagées sont nombreuses et si vous lisez l’interview qu’il nous a accordé, vous vous rendrez compte que ses revendications ne viennent pas de nulle part. Cependant, le projet n’est pas teinté que par ses combats, et s’écoute tout seul, notamment grâce à des morceaux plus légers dans la forme comme Chaque Jour. Avec Gr¨odash présente Flymen Music, le très bon couplet qu’il a délivré sur l’EP Grand Bazaar 01, ses autres sorties plus lointaines et surtout ce Monnaie Time 2, Grödash nous assure qu’il a encore de belles années de rap devant lui.

BeebyUn grand cœur dans un monde de fils de pute (23/04)

Parfois, c’est la beauté d’une pochette d’album qui nous fait l’écouter. Parfois, elle aurait tendance à nous repousser. Avec son parti-pris considérable pour Un grand coeur dans un monde de fils de pute, Beeby a voulu questionner les auditeurs “avec une tel cover, est-ce que tu cliques ?”. Qu’importe ce qu’elle vous inspire, il fallait cliquer. Car contrairement à cette cover d’apparence cheap, on découvre peut-être son meilleur disque sorti à ce jour. Ces dernières années avec Gaïa et Morningstar, Beeby commençait à se faire un nom relativement important sur la scène indépendante. Sur ce dernier EP, il se présente à cœur ouvert. La tristesse et mélancolie s’entendent déjà dans les paroles. « Le bonheur c’est éphémère, la chance c’est pathétique« , « Combien de fois je te mens ? Parce que quand je dis ça va, bah bien souvent ça va pas« . Mais le tout est accompagné par une interprétation où la douleur semble réelle. Et surtout, la plupart des productions ont un goût de nostalgie et de spleen. Si Un grand coeur dans un monde de fils de pute n’est pas le projet de Beeby où il impressionne le plus par sa technique, c’est sans doute, en revanche, celui qui touche le plus.

FadahDéluge (31/05)

Il est loin, le temps où Fadah sortait son premier album Les Loges de la Folie. Il est loin en termes d’années, puisque le projet fêtait ses 10 ans en 2023. Mais il est surtout loin en terme artistique, parce qu’entre temps, Fadah s’est métamorphosé sur Furieux en 2019, et depuis, il ne fait que changer de mue tous les deux ans à travers de nouveaux disques qui montrent ses nouvelles facultés. Sur Déluge, il continue donc à nous délivrer sa vie et ses interrogations. À une époque où les morceaux sont de plus en plus courts, on retiendra son souhait de construire des morceaux qui durent pour la plupart, plus de 4min. Il se confie plus que jamais notamment sur Ego ou sur l’outro Mercenaire. « Je deviendrais quelqu’un de normal, le jour où j’aurais tué mon père« , « Depuis p’tit j’me persuade que j’suis l’élu, forcément j’vais finir déçu« . Loin d’étonner si vous le connaissiez déjà, Fadah propose tout de même un des EPs les plus agréables à écouter de 2023.

StoTime Out (Vol.2) (09/06)

Est-ce que de la mauvaise pub, c’est de la pub quand même ? Chacun a sa réponse, mais Sto lui, doit sûrement considérer que oui, au vu du nombre de retweets qu’il fait chaque fois qu’un utilisateur de X critique sa musique. Ces dernières critiques tournent d’ailleurs souvent autour du même constat « c’est pas du rap« . Alors effectivement, sur Time Out (Vol.2) (et les extraits sortis après), les frontières sont parfois très poreuses. Pourtant, Sto rappe, quelle que soit l’instru. D’ailleurs, le Grunt 59 avec Bekar et Ben PLG l’a bien prouvé. Seulement, il ne se refuse rien en termes de productions, et n’hésite pas à poser sa voix sur tous les dérivés possible d’électro. Si vous êtes habitués à entendre des beats plus classiques, pour sûr, Time Out (Vol.2) va vous dérouter, mais une fois habitués l’EP est vraiment efficace. D’ailleurs, après un tel accueil, on continuera sans aucun doute à entendre Sto rapper et creuser encore plus la lisière entre rap et électro.

Mano LeyraVOVÓ (13/10)

2021, deux producteurs encore totalement inconnus sortent de l’ombre, et commencent à se faire connaître : Pense et Kooking. Une fois le coup de projecteur mis sur leur musique, notamment grâce à la notoriété grandissante de B.B Jacques, les beatmakers mettent eux-mêmes la lumière sur un rappeur avec lequel ils travaillent : Mano Leyra. Pendant deux ans, ce dernier a proposé des disques basés sur le storytelling (six planches de bois), qui montraient déjà une grande aisance au micro. Mais en 2023, Mano Leyra a sans doute eu besoin de poser le storytelling pour revenir à du rap pur et dur, sans un scénario à respecter. Au début de l’année, il sortait C’EST PAS DU TAYC, entièrement produit par Pense qui portait très bien son nom, où c’est le rap qui primait à tout le reste. Et alors que son public s’élargissait enfin, il a enfoncé le clou quelques mois plus tard avec VOVÓ. Un EP de la même trempe, mais plus long, et qui va chercher encore plus loin. Cette fois, toutes les productions sont signées Kooking et ont notamment la particularité d’être évolutives. L’enchaînement lui aussi a été pensé pour que le disque paraisse n’être qu’un long morceau. C’EST PAS DU TAYC et VOVÓ étaient les projets parfaits pour que Mano Leyra puisse dévoiler toutes ses qualités avant que l’on puisse enfin écouter la suite de six planches de bois.

Double Zulu – KAIJU : MECHA (17/11)

Si vous suivez les tops de ce site depuis plusieurs années, vous n’êtes pas sans savoir que Double Zulu a eu plusieurs fois sa place parmi les artistes retenus. Si bien même qu’après plusieurs projets marquants, il a accepté de parler de ses références dans une interview du site à l’occasion de la sortie de son EP Kaïju. En 2023, plus productif que jamais, il a sorti, peut-être, ses meilleurs projets. D’abord Hustlemania en début d’année, entièrement produit par JustMusicBeats. Puis deux EP en guise de suite justement à Kaïju. Kaiju 2, et le dernier, pour fermer la trilogie : Kaïju : Mecha. On y retrouve tout ce qui fait le sel de Double Zulu. Technique au micro irréprochable, références à foison et punchlines qu’on retient dès la première écoute. Pour l’intro Marathon et surtout l’outro Papa jouait de la guitare, il délaisse son habitude à seulement rapper avec de l’attitude et se laisse enfin une petite fenêtre d’ouverture. Loin des aveux de Tuerie ou Beeby, il aura quand même une ou deux phrases marquantes ”On se brûle la tête autant que les ailes, on demande pas, on se méfie quand on nous propose de l’aide” “Combien de fois ai-je douté ? Combien de fois ai-je été dégoûté ?”. Après une année 2023 aussi productive, et qui laisse apercevoir de nouvelles émotions de sa part, les futurs projets s’annoncent prometteurs.

lekdek5506 (06/12)

Le nord de la France a bon nombre de rappeurs talentueux et n’a cessé de le prouver ces dernières années. Seulement, la plupart commencent à être installés, et on peut se demander quels seront les artistes de la génération suivante à percer. S’il est encore un peu tôt pour prévoir sa carrière, lekdek fait en tout cas partie des artistes qu’il faudra suivre à l’avenir. 5506 est un de ces projets hypnotiques, en particulier le titre Tout là-haut où il est très difficile de ne pas faire replay. En seulement 5 titres le ton est posé : des prods électroniques et une vraie nonchalance captivante au micro. lekdek a aussi le sens de la formule : “J’aime pas cette life du coup c’est simple j’en tente une autre”. Et s’il a choisi de lui-même de percer : « J’ouvre ma to do list, y a juste écrit « tout baiser«  », « J’ai pas le choix faut j’pop un 10/10« , une chose est sûre, c’est qu’ici ses prochains titres seront écoutés attentivement.

Prince WalyBO Y Z 2 (15/12)

En septembre 2022, Prince Waly revenait enfin avec Moussa, son premier véritable album, après trois années de quasi-absence, dues à des problèmes de santé. Le disque a fait l’unanimité auprès des auditeurs, des médias et de toute l’industrie (présent dans le top albums du site notamment). Cet album, en plus de l’ouvrir a un plus large public l’a relancé dans une nouvelle dynamique de création de morceaux. Pas étonnant alors qu’il ait publié un an plus tard le 2e volet du très bon BO Y Z. L’ouverture par Enchantée Julia, nous sort un peu de la zone de confort que Prince Waly avait créé auparavant. Le disque est moins radical que Moussa, mais peut-être plus organique. Il ose beaucoup plus chanter sur les refrains, tout en gardant sa technique sur les couplets et sa façon de raconter la vie comme au cinéma. L’univers gangster n’est pas non plus en reste avec un titre comme MP5 et toutes les références présentes dans Belly avec Dinos. À noter que cette ambiance se retrouve aussi, comme à son habitude, magnifiquement retranscrite dans les deux clips qui accompagnent le projet. Si BO Y Z 2 ne surprend pas particulièrement, il reste néanmoins l’un des disques les plus impressionnants de la fin d’année 2023, et restera important dans la carrière du Prince.

Kay The ProdigyEastern Wind 2 (22/12)

2023, c’était l’année pour que Kay the Prodigy prouve qu’en France aussi on peut être une rappeuse et écrire des textes crus et pertinents. Rarement voir jamais vous n’aurez entendu une rappeuse francophone parler si ouvertement de sexe. Mais en dehors de ses thématiques qui sont très peu abordées par des rappeuses en France, et qui dérangent une bonne partie du public masculin (surtout sur X), sur Eastern Wind 2 ce qu’on entend, c’est du très bon rap. Un flow DMV parfois déconcertant, qu’elle a affiné au fil des EP. Des « barz qui vont briser la glace » comme elle dit sur Fantomas. Et surtout pour sublimer le tout : des prods jazzy de Mezzo Millo se marient parfaitement bien avec Kay. Elle n’est pas dans les 11 à suivre de Booska P pour rien. Après plusieurs EP ces derniers mois, et particulièrement ce dernier, Kay the Prodigy est prête à conquérir un plus large public.

Mentions Spéciales

Les choix sont toujours rudes, mais ces quelques projets suivants ont frôlé de peu le top et méritent aussi clairement une écoute. D’ailleurs, une playlist (Spotify, Deezer ou Youtube) se trouve à la fin de l’article si vous voulez découvrir tous les artistes présents dans le top.

Asinine XIII (23/02), Nessbeal Lumières Nocturnes (03/03) TIF1.6 (10/03) et 1.6 LIVE SESSION (03/11), Varnish La PiscineTHIS LAKE IS SUCCESSFUL (24/03), Raph GPWSur La Route, Pt.3 (31/03), KabaMusic 4 Tesla (28/04) et Music 4 Tesla 2 (08/12), Empty7Nessun Dorma (05/07) et Ora Pro Nobis (27/09), samayusiFractale (29/09), AyathPerturbations (10/11), UrdeMaintenant ou jamais (15/11), Jeune MortNo Colors (01/12), Khali23 (01/12).

  • Yvnnis - CBPM

  • San Nom - Hamingja (Live Session)

  • La Gale - Brouillard

  • Mairo - Nouvelle Écriture

  • Tuerie - G/Bounce

  • Eesah Yasuke - Chaud l'hiver

  • 22Carbone - Panne De Réseau

  • KT Gorique - Diaspora Gang  feat Le Juiice

  • Sheldon - Drag & Drop  feat Selug

  • Ptite Soeur - TIF’ERET

  • Peet - Gentil  feat Primero

  • Grödash - Chaque Jour

  • Beeby - Dans L'ocean De Paix

  • Fadah - Mercenaire

  • Sto - Stress

  • Mano Leyra - Burning Palace

  • Double Zulu - Papa Jouait De La Guitare

  • lekdek - Tout Là-Haut

  • Prince Waly - Charm El-Cheikh

  • Kay The Prodigy - Lil Bi

  • Asinine - C’est Pas La Mort (Mais Ça Y Ressemble)

  • Nessbeal - Malade

  • TIF - Amnesia

  • Varnish La Piscine - NUBIAN FARLOW

  • Raph GPW - Papier

  • Kaba - Speed Up

  • Empty7 - Ora Pro Nobis

  • samayusi - Pas Pour Moi

  • Ayath - Boy

  • Urde - Elle Est Où ?

  • Jeune Mort - No Colors

  • Khali - BOTTEGA

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