Le top morceaux 2021

Des centaines et centaines de projets, des singles à tout-va, l’année 2021 a été encore particulièrement riche en rap français. Quel que soit le style que vous appréciez, vous avez forcément été un minimum rassasié tant les rappeurs de tout genre et époques ont été productifs cette année. Évidemment, parmi les morceaux marquants, nombreux sont ceux présents dans les top albums ou EPs du site, et ils n’apparaîtront donc pas ici. D’autres sont réservés au top clips à venir, alors qu’ils auraient pu faire partie de cette liste. De nombreux autres sons auraient pu être intégrés, mais pour ne pas se retrouver avec un classement infini, voilà le top 30 des morceaux les plus marquants de 2021. Et encore une fois, ils sont triés par date de sortie.

Le premier janvier 2021, le producteur Ikaz Boi sortait son projet surprise Paradise. Six titres avec des collaborations plutôt évidentes, dont le morceau Phantom of the Paradise. Sur une production enivrante, on retrouve alors un Laylow lancinant, pour commencer l’année avec douceur. En outro, c’est Bonnie Banane qui captive juste à l’aide de vocalises, sur une instru plus west coast, accompagnée d’une talkbox. La fusion des deux donne sans doute le morceau le plus smooth du début 2021.

Il y a des groupes qui paraissent si peu productifs en terme de sorties que la moindre nouveauté en étonnerait même leurs fans. Le groupe de Toulouse, Droogz Brigade, mené par Al’Tarba fait partie de cette catégorie. En particulier après une année 2020 comme la leur, où ils proposaient plus de 40 inédits avec leur compilation Terreurs de Jeunesse. Les voir sortir un titre en 2021 était donc clairement une aubaine. Et pour bien commencer l’année, ils ont décidé de la jouer collectif en rappant avec le groupe Les Autres. Résultat : des couplets à la chaîne, des voix écorchées, des âmes torturées, et une phase d’Al’Tarba qui résume très bien l’ambiance générale du titre : « Rap ou keupons j’m’en moque je kick (salement)« .

Cette année, Madizm a mis les bouchées doubles en produisant des projets de tous les côtés pour les rappeurs de son label. En février, il annonçait déjà la couleur avec un EP contenant quelques inédits et morceaux qui se sont retrouvés dans les disques des artistes en question. Au milieu se trouvait Le son des bandits, réunion des quatre fantastiques et du beatmaker d’argent. Morceau parfait pour bien montrer la qualité des rappeurs avec qui il travaille, et présenter chacune de leur personnalité. Une mise en bouche qui permettait donc de se familiariser rapidement avant d’écouter les projets de Djado Mado, Yara, Aketo & Carson sortis les semaines suivantes.

Alors qu’on avait l’habitude de l’entendre dans la langue de Shakespear, Gracy Hopkins est revenu cette année avec son premier titre entièrement en français. À travers une rencontre dans un train, le rappeur à la voix grave a montré qu’il était aussi capable de raconter des histoires dans la langue de Molière. Sublimé par le plus célèbre des pianistes du rap français, Sofiane Pamart, cette nouvelle facette permettra peut-être à un nouveau public non-anglophone de le découvrir et d’écouter tout ce qu’il a pu produire auparavant.

Faire un morceau en hommage au rap français, sans être redondant avec les titres déjà existants dans l’exercice, ce n’est pas chose aisée. À vrai dire, peu d’artistes ont vraiment réussi le pari ces dernières années. Mais un amoureux du rap et de langue comme R.E.D.K. avait peu de chance de se perdre. Alors pour signer son grand retour et annoncer officiellement l’arrivée de son album (7 ans après le premier) sorti quelques mois plus tard, il a proposé 5min30 de rap pur. Les jeux de mots et références sans interruptions sont si abondants que même les plus érudits de l’histoire du rap français se surprennent à en repérer d’autres à chaque écoute. D’ailleurs, pour clore la boucle de la référence, le rappeur n’a pas fait les choses au hasard, en rappant sur le sample de John Surman, au même titre que Lunatic vingt ans auparavant.

Après l’album Rio de Janeiro, très inspiré du funk brésilien, et assez mal reçu de la part du public, Sadek préparait tranquillement son retour, avec comme objectif de délivrer son meilleur disque. Si les avis divergent quant au résultat, la plupart de ses fans sont unanimes, il est revenu à un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis des années. Au centre du disque, entre les excellents featurings avec Ninho & SCH ou encore Ali, VBONTMB rappelle que Sadek est extrêmement pertinent sur un morceau fleuve de près de 7 min. VBONTMB vient donc se poser sans problème à côté d’un titre comme Petit Prince.

L’année 2021 a été sous le signe de la sororité pour de nombreuses raisons, et la première grosse connexion de rappeuses et chanteuse est arrivée sous l’impulsion de Sally. Il est souvent difficile de mettre six artistes sur un titre et de réussir à créer une alchimie. Sally a réussi cet exploit, en particulier grâce à la structure du morceau et les styles bien différents de chacune des interprètes. Toutes se démarquent à leur façon, à travers leur voix, interprétation, sens du rythme ou de la mélodie. Une belle façon de découvrir de nouvelles artistes, et surtout de faire patienter le public de Sally, qui sortira son premier album dans les prochaines semaines.

Depuis presque toujours, les rappeurs montrent une certaine animosité envers Skyrock, et pourtant nombreux d’entre eux continuent de passer sur Planète Rap. L’émission mythique de Fred Musa a d’ailleurs elle aussi droit à quelques balles perdues, tant les rappeurs invités sont souvent les mêmes. Mais il arrive parfois, que les artistes en promo lors de l’émission amènent des interprètes inattendus. Et c’est ce qu’il s’est passé fin avril lorsque 7 Jaws a décidé d’inviter Souffrance. Plutôt habitué du rap underground, le membre du groupe L’uZine a su montrer tout son potentiel en rappant sur l’instrumentale d’Arrêtez de Despo Rutti. Ce qui résume le mieux cette prestation, c’est peut-être la réaction de 7 Jaws ou des personnes derrière la vitre, tous choqués de sa performance. Une bonne occasion pour Souffrance d’être mis en lumière, et de pousser les auditeurs à écouter son très bon album Tranche de Vie.

Connaisseur Ticaso fait déjà partie du top albums de 2021 du site. Seulement, dans l’année, il n’a pas été présent que sur son disque. Il a aussi été invité par de nombreux rappeurs et sur la compilation QCLTUR. Sur cette dernière, pour le titre éponyme, il se retrouve alors avec Raccoon et prouve une fois de plus son agilité derrière un micro. Mais surtout, il continue d’étendre ses pouvoirs en rappant sur un sample du titre High Life de Daft Punk, repris au refrain par Barnev. Assurément l’un des tubes québécois du premier semestre 2021.

Depuis plusieurs années, Luv Resval se trouve souvent désigné comme l’un des rookies à surveiller avec attention. Après un long moment à suivre les traces d’Alkpote, il a, petit à petit, réussi à se créer sa singularité. Dans l’année, il est revenu avec une très grosse imagerie, aussi bien pour ses clips que la pochette de son disque. Sur son album Étoile Noire, il a prouvé qu’il était capable d’être à l’aise sur de nombreux styles, mais il a choisi la sobriété pour (sans doute) le meilleur titre du disque. Loin de la trap ou des mélodies attendues, le très bon MPC, Part II est un long morceau de rap, quasi exclusivement avec un piano et une caisse claire. Comme quoi l’excellent Grünt publié un jour avant annonçait en partie la bonne couleur.

Rentre dans le cercle, le rôle principal dans une adaptation de la pièce de théâtre Gatsby le Magnifique, la direction de son label et quelques featurings, depuis 2018, Fianso était présent partout, mais pas sur un album. Son « retour » était donc attendu au tournant. Il a parsemé plusieurs singles à travers les mois, et a conclu avec Windsor juste avant la sortie son album. Le titre est en total accord avec La Direction de son album, en écho avec ses nouvelles ambitions, devenir aussi puissant que les plus puissants. Pour le présenter, il a interprété le titre chez COLORS, qui ont d’ailleurs mis en avant énormément de performances françaises en 2021.

Le bon sens voudrait peut-être que ce soit le titre La faim de leur monde qui entre dans ce top morceaux. Ce serait effectivement logique, 19 minutes de rap, seul, c’est un monument qu’a pondu Akhenaton en avril. Mais le titre Rétroviseur est resté trop inaperçu malgré sa vibe parfaite pour la fin du printemps. En featuring avec le trop méconnu lui aussi, Napoleon Da Legend, rappeur avec qui il collabore d’ailleurs depuis des années, ils parlent de nostalgie, comme ils l’ont souvent fait. Dès les premières secondes du titre, la production d’Imhotep fait voyager, de la même manière que le clip. De tous les morceaux sortis chez IAM cette année, c’est de loin Rétroviseur qui est le plus Chill d’entre eux.

Après un énorme run en 2018-2019 où il a sorti quatre albums, dont deux avec Sofiane Pamart, Scylla a pris du temps pour réapparaître. Quelques titres pendant le premier confinement en 2020, Chanson d’amour en mars, et une tournée avec des dates quasiment toujours complètes au cours de l’année, il se recharge avant un prochain album qui ne devrait plus tarder. Après ces inédits, il a publié début juillet, Mémoire Vive, un long morceau où il a encore le don de se livrer et se raconter. « Aussi loin qu’j’me souvienne, j’me suis senti différent, Peu souvent j’ai dit « je t’aime », trop souvent, j’ai fui les gens« . Un morceau à l’image de sa carrière, où la plume et l’émotion sont reines.

L’année 2020 était marquée par les excellents solos de Swing et Primero. En 2021, les deux se sont retrouvés avec Loxley pour sortir Avant la Nuit, le nouvel album de leur groupe L’or du commun. Le résultat est en demi-teinte, (peut-être dû à l’absence de direction de Vax-1, qui n’a produit que deux titres sur ce disque), mais leur réunification aura tout de même amené quelques bonnes surprises. Seulement c’est au début de l’été quand Primero s’est détaché du groupe, que le meilleur s’est produit. Le temps d’un morceau avec le trompettiste BÉESEAU, le rappeur belge a su rappeler qu’il est aussi très bon seul. Et l’alchimie parfaite entre la production, le trompettiste et lui a été la bonne nouvelle inattendue du mois de juillet.

L’été dernier a été très peu avare en beau temps. Malgré tout, fin aout, les rappeurs Slimka et Loveni, et le producteur et chanteur PH Trigano nous ont proposé la parfaite crème solaire pour conclure les vacances. Les deux premiers ont sorti des albums au cour de l’année, et sont habitués à faire des morceaux dansants (Antidracula pour Slimka et Gin, Sex & Fun pour Loveni. PH Trigano est aussi un spécialiste de la question après avoir produit pour Loveni ou même Ichon. Alors une collaboration pareille paraît presque couler de source. Et en écoutant le morceau, leur connexion paraît encore plus évidente. Le seul reproche que l’on peut leur faire, c’est d’avoir sorti le titre à la fin de l’été. Le soleil aurait sûrement été plus présent s’il avait pu entendre Indice 50 au mois de juin.

Plusieurs disques de platine, de nombreux tubes, en l’espace de quelques années, PLK s’est imposé comme l’un des plus gros vendeurs du rap. Seulement, à mesure que les projets sortent, les idées du rappeur s’essoufflent. En 2020, Enna était un album à l’image de tout ce qu’il avait pu délivrer avant et ne proposait rien de transcendant. Alors quand il a annoncé en sortir une réédition, les espoirs étaient minces. Mais il a su changer drastiquement ce sentiment avec un extrait sorti un mois avant Enna Boost. 5 min de pur rap qui le ramène à ce qu’il sait faire de mieux, accompagné d’un très bon clip, et le résultat en fait l’un des meilleurs morceaux de sa carrière.

Si la nouvelle vague fait du bruit depuis 2020 et s’intensifie de plus en plus les mois passants, c’est bien La Fève qui a marqué le début de sa reconnaissance au sein d’un public large avec son titre MAUVAIS PAYEUR. Sorti mi octobre, le premier extrait de sa mixtape ERRR prenait déjà une bonne température et a permis à l’artiste de confirmer quelques semaines plus tard. Contrairement à ce que les rumeurs disaient, MAUVAIS PAYEUR est loin d’être un morceau moyen du disque, et c’est sans doute la première charnière vers la popularité du rappeur et de ses camarades. Tout ça grâce à une production hypnotique de Demna, la nonchalance de La Fève et l’intelligence de faire un morceau court qui donne envie d’être relancé tout de suite après l’écoute.

En début d’année, il y avait SHOOT. Fin octobre, il y a eu AHOO. Si le premier était une « simple » réunion d’artistes pour le titre de Sally, le second est presque un hymne à la reconnaissance du rap féminin. Accompagnant le documentaire de Canal +, Reines, qui suit les cinq artistes du featuring, AHOO prouve encore le niveau indéniable des MCs. La production rythmée, l’énergie et le découpage de chacune des protagonistes est impressionnant, et Chilla devient petit à petit la plus grande rassembleuse de rappeuses de France. Et en plus de prouver une énième fois que les talents sont nombreux, le titre permet de reconnaître que « rap féminin » ne veut pas dire grand chose, tant les styles de chacune des artistes présentes est bien différent.

Cette année, Lucio Bukowski a été plutôt productif, comme à son habitude. Un EP avec Tcheep, un autre avec Oster Lapwass (qui a amené à une interview), et de nombreux en préparation (dont Les dieux ne jouent plus au billard électrique sorti il y a quelques jours). De son côté, le beatmaker Lionel Soulchildren sortait un album entièrement instrumental, avec seulement quelques vocalises de Scylla. En guise de bonus track, et pourtant en premier extrait du projet, il a publié cette collaboration. Avec un titre très Lucio Bukowskien et un contenu, comme on pourrait l’attendre venant de ces deux artistes, De la sauvagerie dans l’art était le morceau rap qu’il fallait pour conclure l’album La citadelle intérieure.

Le manque de popularité de SHOOT, AHOO ou du dernier album de Doria le prouvent, l’industrie musicale met trop peu en avant les rappeuses. Les artistes féminines sont constamment obligées de travailler deux fois plus pour avoir la reconnaissance qu’elle mérite. Partant de ce principe, des initiatives se créent, dont le tremplin Rappeuses en liberté, qui a pour objectif de mettre en lumière quelques-unes d’entre elles. Les rappeuses qui ont été sélectionnées étaient toutes développées à différents niveaux, et font tout style de rap, mais le tremplin leur a créé de nouvelles connexions. Alors, à la fin, elles ont fait un titre en étant (presque) toutes présentes. Même si en réalité, sur Taktik elles n’arrivent pas « à 11« , par manque de la présence de Brö et Soumeya, elles sont en revanche bien 11 à avoir un talent à suivre dans les prochains mois et années.

Le Québec fait partie de ces pays francophones assez peu regardés par la France. Quelles qu’en soient les raisons, le rap québécois est donc lui aussi assez peu médiatisé ici. Alors pour conquérir le public français, une des meilleures méthodes reste le featuring avec des Français. Ce qui explique l’absence de popularité d’artistes comme Koriass ou Connaisseur Ticaso, et le plébiscite d’autres comme Enima ou encore Rowjay dans l’Hexagone. Mais ce plébiscite n’est pas dû qu’à leurs collaborations inter-pays, le savoir-faire y est aussi pour quelque chose. Carnaval de Finesse 2 est un cocktail de tout ce que sait faire Rowjay, et peu donc perdre l’auditeur au fil de l’écoute. En revanche, il a décidé de montrer son niveau en se confrontant à l’un des meilleurs MC de France. Et contrairement à ce que les pronostics auraient pu annoncer, le rappeur québécois est très loin d’être ridicule face à Alpha Wann, arrivant même à imposer son style en terminant le morceau par son couplet.

157 rappeurs et chanteurs, 30 morceaux, 3h de musique, Le Classico Organisé a été, comme tout le monde l’imaginait, un projet assez indigeste. Comme sur 13 Organisé l’année précédente, le principal problème de l’initiative de JuL, reste la différence de niveau entre les rappeurs. Malgré tout, si on s’y penche, la compilation permet de découvrir quelques nouvelles têtes, et promet peut-être de futures connexions entre artistes qui ne se connaissaient peut-être pas avant de poser sur un titre. Au milieu de ce gloubi-boulga, un morceau porte très bien son nom. Légendaire, comme les rappeurs présents sur le titre, et Légendaire comme le niveau que chacun peut mettre sur un featuring de haute volée comme lui. Si même ici, les couplets sont inégaux, le résultat reste tout de même plus homogène que sur le reste de la compilation, et la réunion d’autant de super-héros sur un même titre pourrait faire pâlir les plus grands films du MCU.
(à noter qu’à la place, le top 30 aurait pu avoir la connexion Gims x Jul x SCH, malheureusement éliminé par un refrain catastrophique)

Au début des années 2010, Edgar Sekloka faisait partie du très bon duo Milk Coffee and Sugar qu’il formait avec Gaël Faye. Leur reconnaissance est drastiquement différente, mais les deux rappeurs ont depuis sillonné leurs chemins chacun de leur côté. Bien loin des lumières du succès, Edgar Sekloka s’est alors cherché à travers quelques EPs et s’est enfin trouvé pleinement en 2021. Retrouvant sa plume sans pareille, Un peu de sucrr possède toutes les qualités que le rappeur avait pu parsemer au cours de sa carrière. De l’émotion, une voix posée et un sens de la formule qu’on retrouve très peu dans le reste du rap français. Face au carcan fait partie des morceaux phares de l’album, où il se dévoile comme peu savent le faire. À écouter au même titre que Croire en nous, le solo qui concluait l’album de Milk Coffee & Sugar.

L’une des qualités d’Orelsan, c’est réussir à raconter d’une manière assez simple mais très limpide des histoires fictives particulièrement réalistes. Depuis le début de sa carrière, il nous livre des récits plus ou moins proches de sa vie et plus ou moins réussis. Sur Civilisation, il a réitéré ce genre de concept, notamment avec un morceau de plus de sept minutes. Manifeste montre l’art du rappeur de Caen à partir dans tous les sens, tout en gardant le fil d’une histoire. Avec une écriture accessible, et une narration presque chapitrable, Orelsan traite de nombreux sujets avec comme prétexte une manifestation. Une illustration parfaite des maux de la société actuelle, par un rappeur toujours en questionnement sur le monde qui l’entoure.

2021 était une grosse année pour Jazzy Bazz. 3e volet de sa série d’EP Memento, ainsi qu’un album collaboratif avec EDGE et Esso Luxueux. Il a su se montrer présent sans arrêt pour combler l’attente avant les premiers extraits de son nouvel album. À la fin de l’année, un passage dans Colors et un titre avec EDGE commençaient à annoncer la sortie imminente d’un nouveau disque. Le dernier extrait publié en 2021 concernant Memoria était D.ieu, et témoigne avec sobriété, en tout juste 1min40, que Jazzy Bazz n’est pas un artiste à prendre à la légère.

Manu Militari fait partie de ces rares artistes du Québec à avoir réussi à tenir le coup après les années 2000, et il a continué à sortir des projets dans les années 2010. Le secret de sa longévité, c’est peut-être l’absence de productivité. Il n’avait rien publié depuis 2015, alors apprendre qu’un nouvel album allait voir le jour en 2021 était un véritable événement. Et pour son grand retour, il a gardé son habitude, entre autres, de raconter des histoires en interprétant des personnages. La chute de Berlin est dans cette longue tradition, où le rappeur se met dans la peau de trois soldats, allemand, russe et américain, à la fin de la seconde guerre mondiale. Presque à la manière d’un historien, le rappeur québécois raconte le quotidien des protagonistes, comme s’il s’agissait de son propre vécu. Chaque détail compte quand il s’intéresse à un sujet, et à l’instar de nombreux autres de ses morceaux, La chute de Berlin pourrait être une porte d’entrée pour commencer à s’intéresser à l’histoire.

En novembre il y a eu le Classico Organisé. En décembre, Ol’Kainry a sorti en quelque sorte l’anti Classico, en réunissant sur un titre des rappeurs qui n’ont pas été invités sur le projet de JuL. Cette année, ils ont d’ailleurs tous signé leur retour. Nakk avec le morceau Boîte noire, Dany Dan avec M City sur le titre Couture italienne et avec Kohndo sur Week End, Tunisiano en solo (et qui prépare peut-être un projet avec Aketo), et Grödash avec son EP Ghetto Littérature. La visibilité en moins mais le talent clairement présent, leur réunion a été une véritable claque pour tous les amateurs du rap de la fin des années 90 et du début des années 2000. Et comme depuis plus de 20 ans, chacun a délivré un couplet qui n’a rien à envier aux autres. Un découpage net par ces Rezistans, qui sont tous aussi Légendaires que les rappeurs du titre du Classico.

Même les plus grands fans de l’artiste le disaient, cela faisait des années que Lacrim n’avait pas sorti un album digne de ce nom. La faute sans doute à des directions artistiques approximatives. Sur Persona non Grata il a retrouvé son producteur fétiche Kore, et leur alchimie n’a pas changée. Outre les potentiels tubes, et le titre American Gangster avec un saxophone qui s’est fait remarquer, c’est une autre proposition assez rare dans ce genre de productions qui a marqué les esprits. De la même manière que Tandem dans les années 2000, Lacrim a proposé une trilogie de morceaux, d’abord seul, puis en duo, et enfin en collectif. Les titres racontent l’histoire d’une trahison, qui amène en prison et finit par un meurtre. Pas simplement construit comme des feats, les rappeurs se répondent entre eux, et ont construit leurs textes pour servir une narration. Un exercice de style notable pour un album qui aurait pu se contenter de surfer sur les tendances actuelles.

Tous les amateurs de rap sont unanimes, Booba est le rappeur le plus important de France. Si ses clashs permanents polluent son art, et ULTRA est un album clairement moyen, sa longévité en restant au top ne peut qu’impressionner. Mais ses coups d’éclats sont rares. Il y a bien eu quelques singles publiés dans l’année. Un featuring sur l’album de Maes, de pur rap, comme on ne l’attendait plus. Mais aucun de ses titres n’a réellement marqué le rap français en 2021. En revanche, son année était importante par le renouvellement et le succès des artistes de son label. Et en hommage au titre 92i sorti sur l’album de Lunatic, et surtout pour montrer que cette écurie ne cesse de révéler des talents, un nouveau 92i s’est créé. La relève est assurée.

Le plus beau cadeau du réveillon de Noël était la collaboration entre deux artistes qui se connaissent depuis vingt ans et qui n’avaient pourtant jamais fait un morceau ensemble. Deux des plumes les plus respectées du rap français pour un titre à la hauteur de ce que l’on pouvait attendre d’elles. LA TABLE raconte ce moment de l’année, ces anecdotes et souvenirs de repas de fête dans des familles modestes. Une flûte tremblante, des conversations téléphoniques, une certaine mélancolie ; le long morceau des rappeurs rouennais pourrait servir de générique de fin d’un court-métrage sur la vie de nombreux Français. À noter qu’en plus de Vîrus pour le réveillon, Lalcko nous a offert un autre titre pour Noël même en croisant le stylo d’Isha. Comme quoi même les rêves de collaborations logiques mais inattendues peuvent se réaliser.

La liste des morceaux marquants de l’année pourrait s’étendre, encore et encore. Dans l’idéal, il aurait fallu parler des zumbas Señorita de Josman ou Fendi Love de Guy2bezbar et Hamza. Il aurait fallu souligner les retours de la sphère QLF avec F430 et DTF. Les fulgurances de la nouvelle scène avec rad cartier, Ratu$ ou Alvin Chris ou encore les belles propositions de la scène belge avec l’EP limité Sushyboyz de Caballero & JeanJass et les titres présents dans la réédition QUALF Infinity de Damso. Mais il fallait bien une limite, alors si vous voulez écouter ce top morceaux 2021, n’oubliez pas qu’une playlist (Spotify, Deezer ou Youtube) est disponible