Georges Brassens, le rappeur originel ?

Lorsqu’il faut dresser une liste de chanteurs à texte majeurs du 20e siècle en France, un nom vient très rapidement à l’esprit : Georges Brassens. L’histoire d’un sudiste à moustache qui ne se destinait pas à être chanteur et qui par la force des choses est devenu l’une des icônes de toute une époque. La musique de l’artiste de Sète, paraît simple : une guitare et une voix, mais ce que l’on retient surtout de lui, ce sont ses textes. Un mélange de vocabulaire élaboré et grossier, sur des mélodies simples pour laisser place totalement à ses propos. Rebelle, anti-flic, contestataire, autant d’adjectifs qui le qualifient parfois comme le premier rappeur de France. D’autant qu’à l’instar du rap, ses textes sont souvent très fournis, en particulier sur sa fin de carrière où il n’hésitait pas à rallonger la durée de ses morceaux. C’est un des artistes qui a été le plus repris en France. Barbara, Renaud, Serge Lama, Saez, Johnny Hallyday, Françoise Hardy, Sinsemilia, Les Ogres de Barback, ou même Iggy Pop, alors forcément, il a aussi été repris par le rap français.

Les principaux clins d’œil musicaux que l’on fait dans le rap se font d’abord par le sampling. Georges Brassens ne déroge pas à la règle et a eu droit à ses morceaux samplés. Sorti sur une mixtape obscure des années 90 comme il en existait des dizaines à cette époque, le titre Les quartiers chauffent de La Cliqua est justement basé sur une boucle du Petit joueur de flûteau de Brassens.

De manière un peu plus poussée, Al’tarba reprenait Je me suis fait tout petit il y a 10 ans, en accélérant la mélodie, et en y invitant le rappeur Qualm’s

La méthode de la boucle musicale est assez classique, et a finalement été assez peu utilisée lorsqu’il s’agit des hommages à Brassens. On peut quand même en retrouver une trace par exemple sur le titre Medley Tésey de Seyté, qui en plus à rajouté un extrait du titre Le pornographe en intro de morceau. D’ailleurs, Seyté est un rappeur belge, comme quoi le moustachu sétois a fait son petit bonhomme de chemin.

Cette façon de simplement prendre un extrait de Brassens pour le mettre en intro, on avait déjà pu l’entendre quelques années auparavant. En 2004 sur son disque À base vers durs, Paco décide justement de laisser la voix du chanteur, sans la retoucher, sur le titre Le mal.

Paco a choisi le fameux morceau Hécatombe qui ferait énormément parler aujourd’hui, tant les politiques, entre autres, ne supportent plus que l’on dise du mal de la police. Si Georges Brassens a été censuré à la radio à cause de cette chanson à l’époque, elle a fini par devenir un véritable classique et symbole des chansons revendicatrices et anti-flic. Alors en hommage à Brassens, un extrait de ce morceau, avec des passages qui seraient vraiment jugés indécents à l’heure actuelle.

Autrement, il y a des rappeurs qui procèdent autrement. À commencer par le rappeur le plus proche géographiquement de Brassens, parce que lui aussi venant de Sète, Demi Portion. Bien qu’il l’ai apparemment découvert assez tard, le chanteur de sa ville a été une révélation comme il a pu le dire dans plusieurs interviews. Affirmant même que pour lui, Brassens, comme Léo Ferré ou Renaud, font partie des premiers rappeurs dans leur ADN. Et justement, plutôt que de prendre un extrait de chanson, Demi Portion a choisi de prendre un extrait d’interview pour son titre 7 sur Sète. Afin de bien représenter la pensée de Brassens. Seulement, il en a aussi profité pour reprendre le refrain de La mauvaise réputation pour son propre refrain. En voilà donc un long extrait, qui reprend bien tous ces éléments (à noter aussi que le sample vient d’un morceau de Mireille Mathieu).

Mais ce n’est pas la première fois que le rappeur sétois s’est servi du refrain de La mauvaise réputation pour un titre. Déjà 7 ans plus tôt, il s’en servait en intro (comme Seyté et Paco), et s’en inspirait même pour le morceau Petit Bonhomme, issu de l’EP du même nom.

Entre ces deux titres, c’est Nekfeu, sur son titre La balade du frémont avec Doum’s, qui utilisera le même principe que 7 sur Sète pour son refrain.

Mais reprendre un refrain à sa sauce, c’est assez facile, alors certains vont plus loin. Sur les premières versions de son album solo, JoeyStarr reprenait complètement l’intrigue et la mélodie du morceau Le Gorille de Brassens. Malheureusement, le titre a été retiré très vite des disques pressés ultérieurement, et il n’est pas disponible en streaming. Il est cependant assez facilement trouvable sur Youtube, et il vaut le détour.

Autrement, il y a les véritables covers. En plus de ses nombreuses références musicales et textuelles, Demi Portion a tout simplement repris Le mécréant dans son disque Sous le choc volume.2.

En 2000, il avait aussi eu la reprise de Mourir pour des idées, sur la compilation L’Hip-Hopée – La Grande Épopée Du Hip-Hop Français. Ce disque a aussi, entre autres, deux reprises de Serge Gainsbourg, comme on vous le disait lors d’un précédent article.

Il y a quelques semaines, pour le centenaire et en hommage aux anciens albums de chansons françaises tels que Patachou chante Brassens ou Renaud chante Brassens, une compilation a été publiée. Mené par la salle de concert de Clermont-Ferrand, la Coopérative de Mai, le disque multi-styles intitulé « L’auvergnat chante Brassens« , est un melting pot d’artistes auvergnats. Parmi les titres, l’un d’eux est totalement rap, Hécatombe, encore lui, repris par Iraka et produit Rrobin, qui a notamment dernièrement travaillé avec Grems.

Enfin, en tant qu’artiste réputé pour ses textes, Georges Brassens n’a pas laissé qu’une emprunte musicale. Il y a énormément de clins d’œil qu’on peut compter par dizaines dans des titres de rap français, repris de tous les grands tubes de Brassens. Pour n’en citer que quelques uns, il y a par exemple Les Copains d’abord qui a été repris de nombreuses fois. Notamment encore par Demi Portion.

Ce ne sont pas les seules références au Copains d’abord, et on abordait déjà le même titre et sa double référence dans l’article sur Le radeau de la méduse. Autrement, moins nombreuses, il y a par exemple quelques clins d’œil au titre Les amoureux des bancs publics.

Voilà, il y aurait encore de nombreux exemples à piocher dans tout le rap français et le répertoire de Georges Brassens. En tout cas, ce qui est certain c’est qu’il a inspiré et a été repris de manières bien différentes en fonction des artistes. Rares sont les chanteurs à avoir autant de classiques à leur répertoire, et ceux-là continueront sans doute d’inspiré tout le rap français.

Si vous aviez déjà repéré d’autres samples ou références à Brassens dans le rap français n’hésitez pas à nous le dire. Autrement de nombreuses autres légendes ont déjà été décortiqués sur notre site, juste ici.